Ce dixième et dernier volume des Pasquier nous parle de Joseph, le mal aimé de la famille, qui a consacré toute sa vie à son dieu, l’Argent. Joseph est riche à millions, il s’est enrichi à la force du poignet, par tous les moyens y compris les plus douteux ; tout fait farine au bon moulin ! tout est bon pour réussir et la réussite d’une vie, selon lui, se mesure à l’épaisseur de son portefeuille. Mais c’est aussi un travailleur acharné qui ne s’accorde jamais le moindre repos, au point d’en oublier de vivre. Le voila arrivé à un moment de sa vie où il se retrouve seul, abandonné de tous, il est devenu victime de sa passion…
Ce volume est extrêmement intéressant. Jusqu’ici, Georges Duhamel n’avait pas jugé ses personnages, qui sont, selon ses propres dires, les membres de sa famille. Mais ici il ne peut cacher son aversion pour son frère aîné. Personnellement, je pense qu’il a été injuste. Il faut faire la part des choses. Je pense que son frère a donné un mauvais sens à sa vie, l’argent est un mauvais maître. Mais il a travaillé sans la moindre concession, sans répit et avec beaucoup d’intelligence pour atteindre son but, et finalement, il a assumé sa réussite sans la moindre hypocrisie.
Il m’a fait penser à un ami que j’avais et qui me disait toujours : moi, tu sais, je ne suis pas un honnête homme. Il faisait des « affaires » et il prétendait qu’en affaires, celui qui est honnête n’a aucune chance. Il faut savoir exploiter, disait il, la faiblesse et la vanité du monde. Ce Joseph Pasquier était du même tonneau ; je pense qu’il avait fait un mauvais choix de vie mais, il était honnête avec lui-même, il assumait.
Finalement, tous les personnages de cette chronique ont tous une personnalité très forte, ce sont des vrais personnages de roman ; ils sont bourrés d’humanité, avec leurs qualités et leurs défauts, tels qu’on les verrait dans la vie. Le lecteur a toujours envie de les juger, on les aime ou on les déteste mais ils ne laissent personne indifférent.
J’ai pensé que cette chronique longue de plus de 2000 pages, pourtant sans une longueur et sans une redite, conviendrait très bien pour une lecture en famille ou pour tenir compagnie à un malade. Le fait de la lire à haute voix lui rendrait encore plus d’attrait surtout dans les très nombreux dialogues imaginés par l’auteur. L’écriture de Georges Duhamel est toujours très belle, c’est une écriture classique comme on les aime et, avec ses originalités très variées, elle amuse toujours, elle ne déçoit jamais.
Saint Jean-Baptiste - Ottignies - 89 ans - 23 décembre 2023 |