Vue de la terre promise
de Georges Duhamel

critiqué par CC.RIDER, le 7 juillet 2012
( - 66 ans)


La note:  étoiles
Chronique douce-amère
Nous retrouvons la famille Pasquier en 1900. Laurent, le jeune narrateur, qui va avoir 20 ans, est étudiant en biologie à la Sorbonne. Les Pasquier touchent enfin l'héritage de la tante Mathilde. Toujours aussi mauvais gestionnaire, le père, devenu médecin (mais avec fort peu de patients) achète un terrain à Créteil. L'ennui c'est qu'il ne vaut rien et qu'il est totalement enclavé et sans accès de servitude. Pour ne rien arranger, il engrosse Paula Lescure, jeune domestique de la moitié de son âge. Les frères aînés vont bientôt se marier. Cécile, très touchée par la fin tragique de Valdemar, son mentor et pygmalion ténébreux, ainsi que Laurent, meurtri par le choix d'Hélène pour laquelle il nourrissait une sorte d'amitié amoureuse, vont eux aussi bientôt voler de leurs propres ailes.
Dans ce troisième tome, la Chronique se fait douce-amère. Laurent entre dans l'âge adulte qui est celui de toutes les libertés mais également celui de toutes les désillusions. L'inconséquence de son père lui pèse. L'avarice et l'amour effréné de l'argent développé par Joseph le navre au point qu'il en déchire en mille morceaux un billet de mille francs et le jette dans la Seine devant ses yeux effarés du jeune affairiste. L'ambiance familiale lui pèse de plus en plus. Il est donc temps pour lui de quitter le nid... Toujours très intéressante (c'est l'époque de l'affaire Dreyfus, la famille est partagée entre pro et anti-dreyfusards comme tout le monde devait l'être sans doute...) et toujours très finement racontée, cette saga familiale se laisse lire avec grand plaisir d'autant plus que l'on s'attache aux personnages, pour la plupart haut en couleurs et néanmoins fort proches de nous. A suivre.
Le bonheur c’est toujours pour demain. 10 étoiles

Dans ce troisième livre de la série Pasquier, le narrateur a 20 ans. Il a pris ses marques vis-à-vis de son père et la famille commence à se disloquer. Entre parenthèses, mon édition a rebaptisé, Dieu sait pourquoi ? La Chronique des Pasquier en Le Clan des Pasquier. C’est étrange parce que cette famille ne forme plus du tout un clan. Elle se dispute entre frères et sœurs et finirait plutôt à se diviser en clans rivaux.

Tout ça m’a fait penser que ce livre aurait parfaitement convenu pour une lecture en commun tellement le comportement des Pasquier se prête à la controverse. L’auteur, à l'époque, s’en est expliqué : « certains de mes lecteurs, disait-il, me demandent : « comment avez-vous pu inventer des personnages tellement extravagants ? Ils en deviennent, par moments, invraisemblables... ! » L’auteur leur a répondu qu’il s’était inspiré de sa famille et que « chez nous, disait-il, la réalité quotidienne a toujours dépassé – et de loin – la fiction romanesque ». Il avait raison : ses personnages sont extravagants mais vrais. On s’y attache, on tient pour l’un, on tient pour l’autre mais, aucun ne laisse indifférent. Personnellement, je me suis attaché à la jeune sœur pianiste virtuose et j’ai craqué pour elle quand je l’ai entendu dire : « je suis heureuse mais je suis triste ».

On a l’impression, avec ce livre, que Georges Duhamel a encore amélioré son écriture. Il a des envolées magnifiques pour raconter l’ambiance de Paris et des banlieues, pour décrire les paysages et le retour des saisons, ce sont des pages d’anthologie. De temps en temps une histoire cocasse vient égailler le récit : nous sommes au siècle du progrès et le père Pasquier fait les premiers essais de sa nouvelle automobile ; ça nous vaut quelques pages à la fois drôles et pathétiques qui restituent parfaitement l’ambiance du siècle. Et tout et à l’avenant…

Dans ce livre les dialogues sont plus nombreux qu’avant : ce sont la plupart du temps des discussions où les répliques se suivent à la manière d’une pièce de théâtre. On découvre de mieux en mieux l’ambiance chez les Pasquier et le caractère des membres de la famille s’affirme toujours plus.

La lecture de nos grands classiques est toujours un régal ! On en redemande et on se réjouit à l’idée qu’il reste encore sept livres à lire dans la série.

Saint Jean-Baptiste - Ottignies - 88 ans - 12 novembre 2023