Visitations
de Claude Louis-Combet

critiqué par Sissi, le 5 juillet 2012
(Besançon - 53 ans)


La note:  étoiles
Le choix d'Artémise...
« Marie ». « Merveille ». « Mario ». « Véronique ». « Artemise ».
Cinq nouvelles sur le thème de la « visitation ». Claude Louis-Combet s’en explique sur la quatrième de couverture :

« Au sens le plus général, comme on peut le vérifier dans le Littré, Visitation désigne l’action de visiter, et peut donc s’appliquer aussi bien aux lieux qu’aux personnes. Mais le terme a pris un sens particulier, en rapport direct avec l’expérience du sacré, pour évoquer la visite que fit la Vierge Marie, alors enceinte, à sainte Elisabeth, sa cousine. C’est aussi dans la sphère du sacré ou du magique que se situent les cinq nouvelles recueillies ici. Dans tous les cas, il est question d’un événement intérieur, comme une intuition ou illumination, consistant dans l’attente ou la rencontre d’une puissance surnaturelle, révélatrice d’une vérité fondamentale sur l’être et son destin. Femmes, ou enfants, les personnages de ces récits s’absorbent eux-mêmes dans l’attente de la présence dont la venue, toute pressentie, les éclairera et les remplira. »

On retrouve en effet dans ce petit livre la dimension religieuse et liturgique, l’importance de l’expérience vécue durant l’enfance dans la structuration de l’être qu’on deviendra, l’essentiel désir sexuel dans l’amour, et le ton subversif et dérangeant qui avait été largement donné dans « Blesse, ronce noire » et qu’on retrouvera, à un moindre niveau, dans « L’Origine du cérémonial ».
Moins travaillé sans doute, moins abouti à coup sûr que ces deux derniers titres évoqués, « Visitations » est néanmoins un beau texte, ne serait-ce que pour « Artémise », qui sort franchement du lot et qui, arrivant en dernière position, rachète à elle seule le reste, un peu moins réussi.
« Artémise », c’est l’histoire d’une femme qui n’arrive pas à se séparer du grand amour de sa vie, qui est en train d’agoniser. Alors elle s’accroche, avec l’énergie du désespoir, elle s’accroche désespérément à ce corps qui s’en va, à cette peau qui se meurt, à cette respiration qui se fait fuyante, à ce sexe qui ne réagit plus et dont elle souhaite être « visitée » une dernière fois. Ensuite il faut bien dire adieu. Vient le moment de l’ensevelissement…mais je n’en dis pas plus. Atroce. Atroce et sublime à la fois.
Comme la vie.
"L"expérience du sacré" 8 étoiles

Une écriture qui coule comme une caresse sur la courbe d’une hanche, une écriture épurée, riche, souvent recherchée, proche de la poésie pour cinq courtes nouvelles qui évoquent la visitation entendue au sens de celle que la Vierge Marie reçut avant la naissance de son enfant sacré.

A travers ces courts textes, j’ai eu l’impression que Claude Louis-Combet cherchait à réhabiliter les émotions charnelles avec la spiritualité religieuse qu’il a sans doute héritée de son éducation dans un établissement catholique. Une jeune fille nubile découvre les sensations de son corps pour l’offrir à Dieu, à celui qui sera son dieu ; un jeune garçon « avançait dans la solitude de l’entre-deux, en cet âge sans grandeur où l’innocence rompue ne trouvait aucune compensation. » ; une femme dans l’épanouissement de la chair ; une femme qui accompagne son amant au moment où il passe dans l’autre monde… L’auteur explore ces espaces mal définis où les corps éprouvent des sensations particulières : entre l’enfance et la maturité, au passage dans l’autre monde, entre le plaisir et la douleur, entre le masculin et le féminin, entre la sensualité et la spiritualité, la puberté, l’épanouissement charnel.

Dans ces espaces de fracture, de rupture, d’ambiguïté, où les émotions et les sensations charnelles se conjuguent dans un trouble qui exacerbe les émotions sexuelles, l’auteur recherche une forme de justification spirituelle pour que le plaisir charnel ne soit pas péché et que son éducation ne soit pas en opposition avec ce qu’il éprouve. Que la chair ne soit pas le siège du péché mais au contraire qu’elle se confonde par les sensations qu’elle procure en un réceptacle d’une spiritualité érotique ou d’une sensualité divine. Que le plaisir charnel ne soit pas un obstacle à la rédemption mais plutôt « l’expérience du sacré », une façon d’exalter la création divine.

Débézed - Besançon - 76 ans - 16 août 2012