La tristesse du cerf-volant
de Françoise Mallet-Joris

critiqué par Saint-Germain-des-Prés, le 13 octobre 2002
(Liernu - 56 ans)


La note:  étoiles
Puzzle familial sur quatre générations
Lorsque vous tombez sur ce style de livre, vous n'avez qu'une idée en tête : convaincre votre entourage de le lire !
Françoise Mallet-Joris décrit les turpitudes de personnages à travers quatre générations.
L’histoire commence à la fin du 19è siècle, dans une propriété superbe constituée de la demeure principale flanquée d’une tour et d’un parc.
Les ancêtres sont Stéphanie Dazincourt et maître Corbin, notaire de son état.
Stéphanie a une obsession : elle est convaincue que son nom comportait une particule à l’origine.
Elle emploie dès lors tout son temps en bibliothèque pour « retrouver » cette particule.
Ce faisant, elle néglige ses enfants : Clara et Christophe.

A partir de cette branche de l’arbre généalogique, les personnages évoqués ne le sont jamais de façon anodine.
Leurs personnalités complexes se divulguent, tantôt avec violence, tantôt avec tact.
Clara et Christophe, par exemple.
La force de cette relation soeur-frère l’apparente à de l'inceste.
Une union qui aura à affronter plusieurs écueils.
Clara se marie avec Juste Matthyssen, bien conscient de ce qui lie sa femme à Christophe.
Juste, homme solide, négociateur, diplomate.
Tous trois vivent ensemble, dans la demeure familiale.
Christophe a fait son nid dans la tour, il y peint, y construit des « machines » qui ne servent à rien mais qui se vendront bien lors de sa première exposition.
Clara et Juste ont bientôt un enfant : Marianne qui épousera le bras droit de Juste : Wilhelm.
De leur union naîtront deux filles : Stéphanie et Nadine.
Marianne n’a jamais cru bon de cacher ses préférences : pour son père d'abord, et ensuite pour sa fille aînée qu’elle idéalise.
Cet amour exclusif sera le constituant majeur du caractère de Stéphanie, elle se révoltera, ne comprenant pas qu'un amour puisse être injuste.
Stépha, personnage le plus complexe du livre, ne s'aime pas et prend du coup un malin plaisir à rejeter tout ce qui pourrait lui être agréable.
En même temps, elle en souffre…
Un livre à part, cette Tristesse du cerf-volant, dont l’originalité consiste en ceci que, faisant fi de toute présentation chronologique, l’auteur enchaîne les « épisodes » de manière décousue, en spécifiant toutefois à quelle époque on se situe.
Ce kaléidoscope est parfaitement clair, génère une dynamique propre, rompt un possible appesantissement et, parce qu'il est toujours utilisé judicieusement, participe au côté génial du livre.
Que de fusions dans ce livre…
Fusion fond/forme, fusion Clara/Christophe, Marianne/Juste, Marianne/Stépha.
Et moi, lectrice ébahie, je me rends compte que, le temps de cette lecture, je n'y ai pas échappé non plus, me laissant complètement
investir par les personnages.