Dans l'entre-temps : Réflexions sur le fascisme économique
de John Berger

critiqué par Bolcho, le 19 avril 2012
(Bruxelles - 75 ans)


La note:  étoiles
Nous sommes en prison
« Par un jour ordinaire où rien n’arrive et où les crises annoncées d'heure en heure sont les bonnes vieilles crises de toujours – et que les politiciens une fois de plus déclarent que sans eux la catastrophe viendrait – les gens, en se croisant, échangent des regards, et certains de leurs regards vérifient si les autres envisagent bien la même chose lorsqu’ils se disent en eux-mêmes : alors, c’est ça la vie ! ».

Rappelant au passage Bentham et Foucault, l’auteur fait un parallèle entre notre société d’aujourd’hui et l’univers carcéral, constatant que nous sommes tous en prison d’une certaine manière à ceci près que, dans le stade du capitalisme financier (« les transactions financières spéculatives s’élèvent chaque jour à mille trois cents milliards de dollars ; cinquante fois plus que le montant total des échanges commerciaux »), les zones d’incarcération ont changé : « La prison est à présent aussi vaste que la planète ». Et de citer chantiers, galeries marchandes, périphéries urbaines, bureaux, etc. Partout, on doit obéir au règlement édicté par la loi du profit. Ironiquement, la rigidité de ce règlement s’appelle flexibilité (« En prison, le sens des mots s’inverse »).

Les forces du marché dominent le monde et les gouvernements ne gouvernent plus : ils « rassemblent le troupeau au lieu de tenir le gouvernail ». La seule priorité est de créer les conditions favorables à la confiance des investisseurs. Les gouvernements n’ont donc pour tâche que le contrôle des populations du monde.

Cette tyrannie impersonnelle, ex-territoriale, nous pousse à chercher des boucs-émissaires qui soient des ennemis enfin définissables : c’est ainsi que les pauvres s’en prennent aux pauvres.

Une lueur d’espoir ?
Le cyberespace a permis au capitalisme financier de se jouer des limites que les Etats pouvaient lui assigner avant. Mais ce cyberespace pourrait être utilisé maintenant par les détenus que nous sommes. À notre avantage.

Même pas 25 pages, mais un propos qui pouvait en mériter cent fois plus. Inutile de préciser qu’on est plus dans le pamphlet que l’analyse fouillée. Gageons que les convaincus - j’en suis - y prendront plaisir (car le propos est parfois nimbé d’une sorte d’étrange poésie) mais c’est un peu court pour convaincre les banquiers...
Sans doute n’était-ce d’ailleurs pas le but.