La guerre d'Espagne et ses lendemains
de Bartolomé Bennassar

critiqué par Falgo, le 14 mars 2012
(Lentilly - 84 ans)


La note:  étoiles
Une tragédie qui continue à façonner le présent
Je constate encore une fois que l'interprétation des faits historiques se modifie au cours du temps. Concernant la guerre d'Espagne, l'ouverture des archives soviétiques (surtout), allemandes et italiennes a contribué récemment à cette constante évolution.
Le livre de Bennassar est construit en trois parties. La première traite des causes de la guerre et de celle-ci. La seconde de son insertion et de son retentissement sur le plan international. La troisième de l'exil espagnol, particulièrement en France. Autant les deux premières parties adoptent une perspective large qui permet une vue synthétique, autant la troisième relate d'innombrables faits desquels le lecteur éprouve des difficultés à dégager une vue d'ensemble et m'a paru d'un moindre intérêt.
Les deux premières sont en revanche passionnantes. Utilisant les recherches les plus récentes, Bennassar trace une vision de cette guerre qui se rapproche de celle élaborée par Michel del Castillo (qui le cite beaucoup) dans "Le temps de Franco".
Pour Bennassar, les deux camps (les nationalistes de Franco, les républicains) ont été victimes de leurs extrêmistes (les fascistes pour les nationalistes, les anarchistes et communistes pour les républicains) sur le fond de l'extraordinaire faiblesse de la République Espagnole de 1931 à 1936.
Bennassar, comme del Castillo, renvoie dos à dos les deux camps pour les atrocités commises avant et pendant la guerre.
Du côté nationaliste, Bennassar met bien en lumière les différentes composantes de ce camp: phalangistes, carlistes, alphonsins, catholiques traditionnels, armée aux diverses tendances. S'il exonère en quelque sorte Franco, à titre personnel, de l'accusation de fascisme, lui qui sut maintenir un équilibre instable entre les tendances fascistes (une partie de la phalange) et autoritaires (une bonne partie des autres), il ne s'explique pas la terrible rigueur et la longue durée de la répression inhumaine menées contre le camp vaincu après la victoire.
Du côté républicain, la description des différentes tendances (socialistes, anarchistes subdivisés en sous-tendances, communistes) débouche sur le récit des affrontements internes dès 1931 et celui de la montée en puissance des communistes appuyés et actionnés par Moscou.
En replaçant la guerre d'Espagne dans une perpective mondiale, Bennassar montre qu'elle a été l'un des nombreux affrontements entre droite et communistes. Dans cette lutte la droite - pour faire simple - est parfois tombée dans le fascisme, s'en est tenue à la lisière, a failli y tomber ou s'en est tenue à l'écart. L'historiographie récente laisse penser que l'Espagne est plutôt dans le cas de la lisière. Supposer qu'elle aurait pu y tomber dans d'autres circonstances ne relève pas de la science historique. L'important est qu'aujourd'hui, souligne Bennassar en conclusion, l'Espagne actuelle, réellement démocratique, puisse enfin affronter d'une manière équilibrée la mémoire de ces terribles évènements.
La description utile d'une page importante 8 étoiles

Deux camps politiques opposés en tout et symétriques dans leur extrémisme se sont affrontés, dans le cadre d'une guerre civile, aux exactions particulières sanglantes et rudes en nombre de vies humaines. La rudesse franquiste a fait ses preuves et est parvenue à connaissance, du fait de la répression des opposants, une fois l'accession au pouvoir. En face, l'appel à la haine et la répression violente n'a pas manqué.
Ce livre rééquilibre les choses et explique ainsi pourquoi l'affrontement et son caractère barbare se sont avérés inévitables. Inévitablement, il paraît bien rude, sa lecture devenant fatalement pénible. Il s'agit toutefois d'un spécialiste de l'histoire espagnole. Aussi prend-il les distances nécessaire à l'exposé factuel et à l'analyse. Il s'avère donc aussi intéressant qu'utile. Je m'en suis ressenti enrichi, malgré la dureté du sujet.

Veneziano - Paris - 46 ans - 14 septembre 2017