Le temps de vivre
de Stéphane Piatzszek (Scénario), Séra (Dessin)

critiqué par Dirlandaise, le 10 mars 2012
(Québec - 68 ans)


La note:  étoiles
Le temps d'atteindre l'autre rive...
Stéphane Piatzszek nous propose dans cet album une histoire très noire dominée par des personnages habités d’une violence sourde et destructrice : Séva le solitaire rêvant d’une vie meilleure, la belle Mona serveuse au café, Agathe la fille de Mona une jolie fillette dont l’ambition est de devenir mannequin et Mario un truand dangereux père de Mona. Il y a aussi François le doux jeune homme sensible qui aide Mona au café. Tous ces personnages habitent un quartier de banlieue sordide où la racaille s’adonne à ses petits trafics plus ou moins dangereux et lucratifs. Puis arrive Willy, un caïd désirant annexer le quartier à son territoire mais Mario refuse de céder sa place et usera de ruse et de violence afin de conserver ses acquis.

Le lecteur est plongé dans un monde sordide de prostitution, drogue et meurtres violents. Pour illustrer ce scénario sombre et d’une violence exacerbée, les dessins de Séra. Et lorsque le nom de Séra est affiché en page couverture d’un album, la qualité est au rendez-vous. Visuellement, l’album est somptueux, éblouissant malgré la noirceur imprégnant chaque page. Nul autre que Séra ne dessine un visage et un corps de femme avec autant de douceur et de finesse. Nul autre que Séra ne peut rendre cette atmosphère cauchemardesque d’une banlieue sordide où l’être humain ne compte que pour bien peu face à l’ambition et au pouvoir des petits caïds de quartier. Et le pauvre Séva qui poursuit son rêve et sent bien que tout cela se terminera mal, très mal.

Quelques pages sont absolument fantastiques comme la page 20 où on peut admirer un gros plan du visage de Mona dont l’expression reflète une infinie tristesse et une lassitude poignante. Rien que cette page démontre à quel point ce dessinateur est un grand artiste et moi je suis éperdue d’admiration devant tant de beauté et de talent. Comme c’est beau !

Je ne connais pas très bien monsieur Piatzszek mais il semble affectionner les histoires sordides et glauques, les personnages paumés et l’absence d’espoir d’accéder à une vie meilleure. Sa biographie livre quelques indices de ce goût pour la violence et la noirceur. Séra réussit à illuminer un peu ce monde infernal par la qualité de ses illustrations et par la douceur de certaines planches. Un duo qui se complète bien et dont l’union des deux talents débouche sur une œuvre très forte et d’une qualité exceptionnelle.