Da Solo
de Nicole Malinconi

critiqué par Kinbote, le 14 septembre 2002
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
La mémoire pour compagne
Da solo rapporte l'histoire à la première personne d'un vieil homme seul qui n'a plus que sa mémoire pour compagne. Très tôt, il ira voir derrière les collines de son village et découvrira Florence ; après l’expérience de cette première échappée, il montera peu à peu vers le nord, jusqu’à Ostende, la reine des plages, où il travaillera dans l'hôtellerie. Là il connaîtra Lyse qui lui donnera Lisa… Très vite, il deviendra « un étranger dans sa propre maison après avoir été un étranger dans le pays ». Quand il parle avec sa fille, elle ne s'intéresse plus à ce qui lui dit. Difficultés relationnelles avec ses proches, désir d'autre chose qui crée la frustration. Mais impossibilité de faire marche arrière, puisqu'on a une famille, une maison quelque part. « Le malheur, ça vient quand tu recherches quelque chose que tu n’as pas", explique le vieil homme.

Tout son discours est hanté par l’obsession de perdre l’usage de la mémoire , d’être dépossédé de ses souvenirs, car sa femme a perdu la mémoire avant de perdre la vie. Mais avec la mémoire, on garde aussi les souvenirs défavorables. « Comment se faire quitte de ce qu'on cherche à oublier et ne pas perdre la mémoire du reste ? »
Le récit est souvent poignant, notamment quand il décrit les bombardements de Dresde, quand il fait buter le narrateur sur les mots, sur les souvenirs, quand paradoxalement il peine à rendre les émotions les plus simples.
Merci pour cette critique 8 étoiles

En effet, ce livre me paraît avoir plusieurs aspects intéressants et j'envisage donc de le lire.
La mémoire est une chose phénoménale, aussi merveilleuse qu'elle peut être pesante et même terrifiante ! Elle évolue aussi dans le temps et modifie la réalité, tend, inconsciemment, à la rendre plus conforme à ce que l'on souhaiterait.
Mais il me semble aussi qu'elle peut être un des plus grands garde-fous contre les tentations totalitaires. Pour pouvoir analyser il faut un point de repère, un point de comparaison, et c'est la mémoire d'un peuple que beaucoup de dictatures récentes ont essayé de supprimer. Y a-t-il beaucoup d'autres raisons aux cours d'Histoire que beaucoup d'élèves considèrent, un peu trop vite, comme inutile ?
Kundera nous explique très bien cela dans des livres comme " La valse aux adieux" et "Le livre du rire et de l'oubli" dans lequel il dit:
"Pour liquider les peuples...on commence par leur enlever la mémoire. On détruit leurs livres, leur culture, leur histoire. Et quelqu'un d'autre leur écrit d'autres livres, leur donne une autre culture et leur invente une autre Histoire. Ensuite le peuple commence lentement à oublier ce qu'il est et ce qu'il était."

Jules - Bruxelles - 79 ans - 14 septembre 2002