Je suis mort en Amazonie
de Hadrien Rabouin

critiqué par Cyclo, le 16 février 2012
(Bordeaux - 78 ans)


La note:  étoiles
portrait d'un jeune homme formidable
Après son périple à dix-sept ans avec sa vache Camomille, Hadrien Rabouin récidive et nous relate son périple dans la jungle de la Guyane française.

Cette fois, le récit est plus bref, plus concentré, mais il faut l'avouer, impressionnant, car peu, même bien plus âgés, ont osé partir à 18 ans seuls en pleine forêt vierge, cette forêt dense où il faut se frayer un chemin à la machette, où l'on est assailli d'insectes, où il faut se construire une cabane dans les branches en hauteur pour ne pas être importuné par des animaux pouvant être dangereux, et surtout... où il faut chercher sa nourriture par la cueillette, la chasse et la pêche. "J'ai franchi le seuil de la jungle, la demeure d'où on ne sort pas. Les habitants de la forêt n'ont pas voulu me suivre là où je vais, même eux ne s'y risquent plus. Surtout seul, sans arme, sans expérience". Dans sa recherche d'authenticité, Hadrien rapporte un morceau de vie, parle d'un univers qui change ("et pourtant, [le drapeau français] danse toujours, pour un autre dieu cette fois-ci : le dieu de l'argent, le dieu de l'homme blanc") dans ces contrées inhospitalières. Avant de s'y engager, il a fréquenté les Indiens de la forêt : "Cela fait deux semaines que je partage leur vie", ils lui ont appris un peu à survivre. Il les préfère à ceux qui tentent de s'intégrer près de la ville, qui ont tout oublié et seraient incapables de revivre dans la forêt : "Des Indiens qui mangent des hamburgers et qui sentent le parfum, ça existe – trop – par ici ; ils ont tourné le dos depuis longtemps à leurs coutumes alors elles ont fait de même".

Il développe sa philosophie : "J'ai 18 ans. Je ne connais pas grand-chose de ce monde, mais je le quitte sans regret. Vivre ne me déplaît pas pour autant, loin de moi les envies suicidaires. Bien au contraire, je suis ici pour tenter d'exister. La forêt m'a toujours attiré et vivre sans me réaliser me semble plus dur que de mourir". Hadrien est donc un garçon prêt à tout pour se réaliser :"Tout le monde a quelque chose de similaire caché au fond de soi, peu vont au bout de leurs idées. Le bonheur n'a pourtant qu'un visage, la réalité est là, l'ignorer ne fait que la renforcer. C'est pour cela que je suis parti, c'est pour cela aussi que je vous écris. Peut-être que mes ambitions sont démesurées, peut-être que ce que vous appelez la raison m'a abandonné..." Eh oui, il faut parfois savoir être déraisonnable. Vous savez à quel point je ne supporte pas les gens prétendument normaux. À bas la normalité, à bas les règles imposées par la société, à bas la raison supposée universelle, vive un brin de folie et d'irrationalité ! Chacun peut essayer quelque chose, et Hadrien le prouve ici, soutenu d'ailleurs par ses amis indiens, pourtant inquiets de le voir partir seul : "Un Indien m'a conté une histoire il y a peu, on pourrait la résumer ainsi : il a réussi, car il ne savait pas que cela était impossible". Et, à plusieurs reprises, par maladie (où trouver un médecin dans la jungle ?), par manque de nourriture, il est prêt d'abandonner : "La mort m'appelle en me tendant les bras. Pourquoi se faire du mal ? Le sommeil est si doux. Vivre est trop dur". Il s'en est sorti cependant et nous livre un beau témoignage d'expérience de survie.