Les croisades vues par les Arabes
de Amin Maalouf

critiqué par Hamilcar, le 22 février 2013
(PARIS - 68 ans)


La note:  étoiles
L'autre bout de la lorgnette
Les croisades vues par les arabes n’ont pas le reflet des images d’Epinal que nos livres d’histoire utilisaient pour illustrer la quête religieuse que l’on a bien voulu nous servir. Certes, prendre possession de la Terre Sainte au nom de Dieu était un vœu totalement pieux pour des chrétiens occidentaux. Mais en fait, l’évidence se révèle lorsque l’on regarde par l’autre bout de la lorgnette. Il s’agissait bien d’incursions barbares avec leurs lots de massacres que nos croisés commirent.
Ce livre n’est pourtant pas un écrit pro arabe qui discréditerait systématiquement les francs envahisseurs en leur distribuant tout les vices et aux musulmans la vertu. C’est un constat basé sur l’histoire. Amin Maalouf ne fait que raconter les faits tels que passés. Si les francs chrétiens (Franj dans le livre) tiennent à juste titre le mauvais rôle d’agresseurs, les arabes de l’époque ont un esprit clanique qui les divise au lieu de les renforcer. Et il faudra attendre l’implication de musulmans turcs ou kurdes (voir Saladin) pour sauver leur terre.
Pour comprendre et non réviser. Pour analyser ce qui, au Moyen-Orient d’aujourd’hui, conduit souvent les hommes à des réactions épidermiques vieilles de plusieurs siècles.
Le Proche-Orient au temps des croisades 10 étoiles

Ce livre, Les Croisades vues par les Arabes, aurait pu s'intituler : La vie au Proche-Orient au temps des Croisades. Parce que, si Amin Maalouf nous raconte, bien sûr, l'invasion des croisés, ces géants blonds, venus d'un autre monde, qui arrivaient vêtus comme pour affronter le pôle Nord, et montés sur des chevaux cuirassés comme les blindés de la dernière guerre, c'est surtout l'Histoire du Proche-Orient qu'il nous raconte.

Ces territoires de l'empire byzantin que les Arabes avaient conquis au temps du Prophète, avaient été, dès le début du IXème siècle, dirigés par des seigneurs étrangers. Au moment des croisades c'était des Turcos-Mongols de la dynastie des Seldjoukides. Ces seigneurs, qui ne parlaient pas l'arabe, vivaient dans l'oisiveté, entourés de femmes et d'esclaves et chaque succession était l'occasion de guerres civiles avec assassinats entre frères, entre frères et beaux-frères, entre père et fils... un peu comme ça se passait du temps de nos rois mérovingiens que l'Histoire a retenus sous le nom de Rois Fainéants.

Ils étaient incapables de se regrouper face aux envahisseurs ; ils fomentaient même des complicités avec eux pour enfoncer un rival – ce qui explique la relative facilité des premiers croisés à se rendre maîtres de grands territoires et, surtout, à délivrer la ville sainte de Jérusalem.

Amin Maalouf nous explique comment, contrairement à ce qu'on s'imagine souvent, une certaine entente s'était tramée très tôt entre croisés et musulmans : il a existé très tôt des échanges commerciaux bien réglementés ; des échanges de civilisation aussi, pour le plus grand profit des croisés qui s'étaient mis à l'arabe, nous dit l'auteur, alors que les Arabes refusaient de parler la langue de l'envahisseur.

Malheureusement, nous raconte encore l'auteur, chaque nouvelle croisade amenait son flot d'excités, décidés à « massacrer du musulman » au nom du Christ... et la guerre sainte reprenait toujours avec pertes et fracas.

Dans son livre, Amin Maalouf nous raconte, avec une clarté remarquable, le rôle des empereurs byzantins et des marchands vénitiens ; les guerres du Kurde Saladin au service de l’Égypte et les rapports tout à fait curieux de son petit-fils Malik al-Kamel dit le parfait avec Frédéric II, cet empereur du Saint Empire, excommunié par le Pape Grégoire IX, pour avoir fraternisé avec les musulmans. Il nous raconte encore le rôle tenu par la secte des « assassins », tour à tour alliés et ennemis des croisés ; le rôle joué par les Mamelouks, ces esclaves devenus grands maîtres de l’Égypte et puis conquérants des pays arabes. Il nous raconte enfin les invasions des Mongols qui, très séduits par le christianisme, ont été à un cheveu d'éliminer les musulmans à tout jamais, qu'Allah leur pardonne, en faisant alliance avec les chrétiens !

Toute cette Histoire qui court sur trois siècles, nous est racontée en 300 pages qui se lisent comme un roman d'aventure. Amin Maalouf a un talent de conteur inimitable ; il n'entre pas dans autant de détails que René Grousset par exemple, le grand spécialiste français des croisades mais son récit le complète parfaitement. C'est un livre d'un intérêt absolument exceptionnel.
Ce qui est aussi prodigieusement amusant dans ce livre, c'est que l'auteur cède souvent la parole, sur des pages entières, à des historiens arabes dont le style est un véritable régal ; ça donne vraiment l'envie de faire leur connaissance.

Assurément, voici un très grand livre d'Histoire dont la lecture est un vrai plaisir. Il nous donne une vision nouvelle de ce que furent les croisades, sans pour autant contredire en rien ce qu'en ont dit les historiens occidentaux.

Saint Jean-Baptiste - Ottignies - 88 ans - 12 octobre 2014


un autre regard 9 étoiles

C'est un livre que j'ai lu lorsque j'étais adolescente et je l'ai trouvé hilarant ! Avec un peu de recul, mon analyse s'est affinée.
Dans les livres d'histoire, au Moyen Orient, les barbares sont les francs et tous les croisés en général.
Ainsi ce livre pose d'autres repères que celui des "camps" en présence. Il donne une version différente de la réalité qui vaut le coup d'être regardée. On est frappé par la pertinence du récit, il nous invite à garder un esprit critique face à certains sujets délicats de l'Histoire qui mêlent religion et politique.
Dans les livres d'Amin Maalouf, on retrouve souvent des faits historiques qui les rendent extrêmement intéressants. Celui-ci, comme d'autres, vaut la peine d'être lu par toute personne qui s'intéresse à l'histoire du monde arabe d'autant plus qu'il part d'un sujet connu que sont les croisades.
Je continue à trouver beaucoup d'humour dans le récit ce qui fait de sa lecture un vrai plaisir!

Ournina - - 42 ans - 2 juin 2014