Lucrèce Borgia
de Victor Hugo

critiqué par Montréalaise, le 31 décembre 2011
( - 30 ans)


La note:  étoiles
Tragédie oedipienne à la Renaissance italienne
Victor Hugo signe ici un drame romantique, écrite dans une prose puissante et envoûtante et racontant l'histoire sinistre de la célèbre Lucrèce Borgia, fille du sombre pape Alexandre VI, femme adultère, incestueuse et avide de bijoux et de plaisirs. Pour cette raison, elle est détestée dans toute l'Italie.

Mais tout basculera lorsqu'elle fera la rencontre d'un beau jeune homme qui pourtant la repoussera, dégoûté par ses avances impudiques. Tout au long de la pièce, la fatalité du destin, si cher à Victor Hugo, plongera ces deux personnages dans une tragédie terrifiante et sanglante.

Embarquez dans l'Italie du début du XVIe siècle, l'Italie des arts, des festivals et des complots dramatiques!
L'amour entre une mère et son fils 8 étoiles

C’est l’histoire d’un jeune homme, Gennaro, qui espère connaître un jour sa mère, au temps des Borgia. Le sentiment d’amour de ce jeune homme pour sa mère et de sa mère pour ce jeune homme sont touchants. L’amour d’une mère et d’un fils fait partie de ce qu’il y a de plus beau dans l’existence, et Victor Hugo l’a bien su retranscrire dans sa pièce « Lucrèce Borgia ». Il y a aussi nombre de retournements de situations, jusqu’à la scène finale où la vérité sur la mère de Gennaro est enfin dite. Une bonne intrigue et des personnages hauts en couleur. C’est en prose, j’aurai préféré que ce soit en vers, je pense que cela aurait accentué l’aspect dramatique de la pièce. Mais bon, tel que c’est, c’est bien, sans que ça fasse partie des meilleurs œuvres de Hugo.

J’ai lu la pièce sur l’édition Pocket, où effectivement, comme le signale d’autres commentaires, la quatrième de couverture dévoile trop l’intrigue. Donc à ne pas lire avant d’entamer la pièce, ni même la préface de Hugo lui-même qui explique et donc révèle le but de la pièce. Pour une lecture optimale et en savourer toute l'histoire et sa fin, mieux vaut tout ignorer quand on débute cette pièce.

Cédelor - Paris - 52 ans - 31 octobre 2020


Un drame romantique inspiré de l'histoire 8 étoiles

La famille Borgia représente une aubaine pour dramaturges et romanciers, tant les contrariétés de coeur et de fortune, les vengeances, violations à la morale et arrangements entre amis sont nombreux. Après l'amour impossible de Bérénice, l'attirance interdite de Phèdre, décrite par le même Racine, Victor Hugo nous décrit les conséquences d'un inceste, le fruit d'un amour interdit, qui se retourne, sans le savoir, contre cette femme honnie, qui s'avère être sa mère, qui ne le connaît pas, cette dernière venant d'apprendre son identité et son lien à lui. Il est contemporain de Dumas, qui écrit un roman historique sur cette famille aussi importante que "particulière".
L'histoire offre une intrigue porteuse, violente et malsaine à souhait, que porte l'emphase habituelle de l'auteur. Ce n'est pas une pièce en vers, mais en prose. Hugo n'a pas à beaucoup forcer son talent pour relater ces vengeances à coups multiples, où les rebondissements sont dictés par des faits réels. Il en devient catalyseur.
L'effet est assuré, les coups de tonnerre retentissent sans cesse, dans cette pièce assez courte, avec effroi et emphase, même si l'intrigue se laisse deviner. Elle est donc à recommander, au conseil prêt de réviser l'histoire. La lecture des notices explicatives aide à la compréhension.

Veneziano - Paris - 46 ans - 31 mai 2015


Lucrèce Borgia, entre humanité et monstruosité 8 étoiles

Lucrèce Borgia excède et suscite la haine de toute l'Italie. Elle est violente, cruelle, autoritaire, vindicative et a des mœurs plus que douteuses. Pourtant, on la retrouve aimante et inquiète dans ce drame romantique pour Gennaro, son fils qui s'ignore. L'instinct maternel s'affirme dans ce texte, mais le destin s'emmêle les pinceaux et l'époux de Lucrèce Borgia voit en Gennaro un amant caché de celle avec qui il vit.

Victor Hugo, de main de maître, installe un climat qui reflète cette Italie décadente où l'alcool, le sexe et le sang sont le quotidien de ces Grands. A la manière de Racine qui a voulu faire de Phèdre une créature humaine, tragique et souffrante, la Lucrèce Borgia de Victor Hugo est plus humaine. Elle n'est certainement pas aussi attachante et fragile que l'héroïne de Racine !

On retrouve dans cette pièce tout ce qui fait le charme de certains drames romantiques de V.Hugo et de Musset : des complots, de la débauche, des suspicions, des concours de circonstances ... Les sentiments sont exacerbés, le suspense est savamment entretenu et la pièce se termine toujours en bouleversant le lecteur quitte à pencher du côté du mélo, c'est le cas ici. La dernière réplique de la pièce serait presque ridicule de nos jours, trop théâtrale et allez savoir pourquoi j'ai pensé à cette seconde-là à Dark Vador ! Je n'en dirai pas plus ...

Pucksimberg - Toulon - 44 ans - 3 avril 2015


Fantaisie sur le thème des Borgia 6 étoiles

« DONA LUCREZIA. Gubetta ! Gubetta ! S’il y avait aujourd’hui en Italie, dans cette fatale et criminelle Italie, un coeur noble et pur, un cœur plein de hautes et de mâles vertus, un coeur d’ange sous une cuirasse de soldat ; s’il ne me restait, à moi, pauvre femme, haïe, méprisée, abhorrée, maudite des hommes, damnée du ciel, misérable toute-puissante que je suis ; s’il ne me restait dans l’état de détresse où mon âme agonise douloureusement qu’une idée, qu’une espérance, qu’une ressource, celle de mériter et d’obtenir avant ma mort une petite place, Gubetta, un peu de tendresse, un peu d’estime dans ce coeur si fier et si pur ; si je n’avais d’autre pensée que l’ambition de le sentir battre un jour joyeusement et librement sur le mien ; comprendrais-tu alors, dis, Gubetta, pourquoi j’ai hâte de racheter mon passé, de laver ma renommée, d’effacer les taches de toutes sortes que j’ai partout sur moi, et de changer en une idée de gloire, de pénitence et de vertu, l’idée infâme et sanglante que l’Italie attache à mon nom ? »

Italie (Venise / Ferrare), début 16e siècle. Lucrèce Borgia, fille du pape, meurtrière, empoisonneuse, coupable d’amours incestueuses, veut changer du tout au tout pour ne pas finir totalement mépriser par l’homme qu’elle estime le plus.

Tout comme ça a été dit, essayer de ne pas trop lire les résumés qui ont souvent tendance à révéler le retournement final. Moi je n’ai pas eu de chance, car c’était suggéré dans la 4e couverture du livre que j’ai lu (Folio, Théâtre, 109), bien que je crois que le lecteur a plusieurs indices assez tôt. J’ai l’impression qu’on prend le lecteur par la main et je n’ai pas aimé ça du tout, mais de savoir la finale d’avance n’a pas dû aider. Beaucoup d’expositions peu subtiles pour établir les personnages, l’histoire, ça avait le côté positif de faire saisir bien les personnages pour ceux qui connaissent peu les légendes autour de cette famille.

Je parle des légendes parce qu’on est peu dans la réalité. On sait que Lucrèce a eu une grande descendance, que les amours incestueuses ont sûrement été fabulées par les ennemis de la famille, ainsi qu’elle n’a probablement empoisonné personne... C’est au profit de la dramatique et je n’ai rien contre ça, je ne lis pas les ouvrages ni regarde les séries télévisées et les films autour de cette famille pour la réalité historique, sauf disons qu’ici on va à la limite de ce que je tolère (en particulier la finale, très anachronique). La pièce est avant tout une fiction !

La pièce a de beaux passages et j’ai quand même apprécié ma lecture, mais j’ai souvent trouvé ça trop évident, peu subtil, trop mélodramatique (d’ailleurs, l’introduction de mon édition essaie de se défendre sur ce point), je trouve Lucrèce hypocrite mais je crois que c’était voulu ici (contrairement au Dernier Jour d’un condamné).

Mon édition a une introduction et un dossier bien fournis, ainsi que la chronologique de la vie de Victor Hugo et une autre sur le temps des Borgia. Il y a aussi des variantes de quelques scènes de l’oeuvre, je vois que la version définitive est la meilleure, mais ça peut donner plus d’indications sur où l’auteur voulait en venir. Cette pièce est un de ses gros succès de son vivant, mais peu connue aujourd’hui, elle a inspiré un opéra à Gaetano Donizetti, que je préfère presque à cette pièce (je trouve que le mélo se marie mieux à l’opéra), heureusement disponible sur YT.

Nance - - - ans - 13 novembre 2013


Quiproquo Sanguinolent. 10 étoiles

De la main de Lucrèce Borgia, découlent tant de misères. Des hommes tués, assassinés, prisonniers, décapités, torturés.... De sa chair, découle un fils qui lui est opposé.
Inceste, adultère et crimes, tel est le quotidien de Dona Lucrezia.

Dans cette courte pièce de théâtre en 3 actes, Victor Hugo nous présente un véritable portrait de cette famille, connue pour toutes les infamies que les membres ont commis, sous l'optique suivante : Comment faire valoir sa position de mère dans un milieu terriblement malsain ?

C'est avec un style toujours aussi soigné (quoique beaucoup plus épuré par rapport à ses autres grandes oeuvres) que l'auteur nous présente une tragédie emplie de quiproquos, de non-dits et... de sentiments. Tout réside en la chute finale qui est, il faut le dire, magistrale.
En très peu de temps, les personnages sont définis et aussitôt acquis par le lecteur. Ce dernier s'y retrouve tout de suite et peut instantanément profiter de l'action.
Un vrai petit bijou à ajouter, sans hésitation, aux oeuvres splendides du grand Victor Hugo.

Veillez à ne pas lire le résumé avant d'entamer ce chef-d'oeuvre !

R. Knight - - 29 ans - 19 mai 2012