A l'orée de la forêt vierge. Récits et réflexions d'un médecin en Afrique Equatoriale française
de Albert Schweitzer

critiqué par Falgo, le 17 décembre 2011
(Lentilly - 84 ans)


La note:  étoiles
Un pionnier mystique
Bien oublié aujourd'hui, Albert Schweitzer fut très célèbre dans les années 1950 à l'époque de son Prix Nobel de la Paix (1952).
Musicien et théologien, il se découvrit, au tournant du XX° siècle, une vocation humanitaire qui le conduisit à entreprendre sur le tard des études de médecine. Diplômé, il s'embarqua pour la bourgade de Lambaréné au Gabon où il créa un hôpital.
Ce livre, publié en 1921, retrace son premier séjour africain de 1913 à 1917. Arrivé en Afrique avec une belle dotation intellectuelle et une absence totale de préjugés, il observe, s'étonne, admire, cherche à comprendre.
Sa première interrogation est médicale, elle nous vaut des réflexions sur les maladies tropicales, leur traitement, la réaction des indigènes par rapport aux médicaments et leur surprise devant une réflexion scientifique loin de leurs explications fétichistes: le "ver", la sorcellerie et autres magies. Du coup, il trace les modalités d'un bon usage du médicament en milieu indigène.
Sa présence le conduit à faire travailler des Africains et il s'étonne de leur comportement au travail. D'autres européens lui servent l'explication traditionnelle: la paresse congénitale des indigènes. Il la refuse, constatant leur capacité de fournir un énorme travail en certaines occasions. Il en conclut que l'indigène est un homme libre pour qui l'acquisition de l'argent n'est pas un objectif. Réfléchissant ainsi, il pointe du doigt l'un des drames du système colonial: la volonté de créer des besoins aux africains pour que ceux-ci, afin de les satisfaire, en viennent à travailler plus assidûment. Il constate que l'eau-de-vie y joue un rôle majeur, détruisant tranquillement les modes de vie traditionnels. Mais il va plus loin, se demandant comment vivre parmi les Africains en leur témoignant du respect et en maintenant son autorité, ce qui passe par le respect d'une exigence impérieuse de justice.
Au total un livre daté et assez étrange: à aucun moment Schweitzer ne met en cause le système colonial (ce qui semble bien être un vice des humanitaires), mais il indique les comportements capables d'en faire un système positif. Aveuglement ou Vérité?
Chacun répond en fonction de sa lecture de l'histoire et de ses convictions. Cet ouvrage est une belle pierre pour la compréhension de ce qui s'est passé dans ce contexte.