La République contre son Ecole
de Muriel Fitoussi, Eddy Khaldi

critiqué par CHALOT, le 30 novembre 2011
(Vaux le Pénil - 76 ans)


La note:  étoiles
un diagnostic rigoureux et accessible
«  La République
contre son École »
d'Eddy Khaldi et de Muriel Fitousi
Éditions Demopolis
310 pages
novembre 2011
21 €

La « sainte » alliance contre l'école publique!

Quand certains entendent le mot « République », ils sortent leurs revolvers...
Il est vrai que les « libéraux » et la hiérarchie catholique ne rêvent que de briser les bases de la République pour pouvoir régner en maîtres sur les finances et les âmes.
Comme l'expliquent avec humour Eddy Khaldi et Muriel Fitoussi :
« A vouloir recruter ainsi massivement et bien au-delà d'une demande « naturelle »liée à la foi, il y a pour l'enseignement catholique, une sorte de péché « lucratif », en forme de publicité mensongère peu compatible avec une mission éducative qui prétend s'inspirer des Évangiles »!?

Les deux auteurs de « Main basse sur l'école publique », ouvrage de référence pour les chercheurs et les militants laïques récidivent en nous livrant un diagnostic actuel sur le détricotage méticuleux opéré par l’Église et ses alliés, de l’Éducation Nationale et de son école publique, accessible à tous.
Les officines réactionnaires sont dans les couloirs du pouvoir, qu'il s'agisse de « SOS Éducation », de « Créer son école » , d' « Enseignement et Liberté » ou de « Famille, école, éducation »pour tenir un discours catastrophiste et éhonté sur la situation de l'école publique
Elles demandent qu'enfin il n'y ait plus que des écoles concurrentes, l'école publique n'étant qu'une entité parmi d'autres.
Les deux auteurs nous montrent comment la loi Debré instaurant une relation entre l’État et chacune des écoles privées avait été elle même contournée et dénaturée.
L’État entretient des relations privilégiées avec l'enseignement catholique et la hiérarchie catholique a instauré une administration bis.
Chacun a son rêve éducatif, la hiérarchie catholique et les libéraux constituant une « cohorte catholico-libérale : « Pour les uns, l'école est appelée à renouer avec son rôle missionnaire d'instrument d'évangélisation, pour conforter une visibilité et une empreinte sociales visant à contourner la séparation des Eglises et de l'Etat. Pour les autres, l'école doit devenir une marchandise. »

Les objectifs visés et les jeux d'alliance sont mis à jour.

C'est ainsi que sont dévoilés les projets et opérations menées avec force par l'Eglise catholique et ses relais pour récupérer « des parts de marché » dans le secteur petite enfance.
Le président de la CNAF, Jean-Louis Deroussen, ancien président de la Fédération CFTC de l'enseignement privé entretient ainsi une »neutralité » bienveillante à l'égard de l'enseignement confessionnel à qui il propose de s'ouvrir aux jardins d'éveil.
Le message est reçu cinq sur cinq par une hiérarchie qui compte ainsi à la fois sur une manne financière et à la fois sur la possibilité d'avoir sous sa main quelques centaines de milliers de jeunes âmes disponibles dès la toute petite enfance... Quant aux obstacles comme cette obligation de passer par un canal associatif pour disposer de subventions publiques, ils sont vite contournés : il suffit de fonder des associations et de les doter de règlements intérieurs stipulant le caractère religieux du projet éducatif... Comme seuls les statuts doivent être adressés aux Préfectures, il n'y a rien à craindre!
Aujourd'hui de nouveaux marchés s'ouvrent pour l'église comme celui de la formation des enseignants du public... La suppression des IUFM libère un grand boulevard...
Si les associations laïques n'avaient pas décidé de monter au créneau y compris devant les juridictions compétentes , les accords Krouchner-Vatican auraient donné aux « universités » catholiques le droit de délivrer des diplômes d'enseignement ( histoire, biologie, sciences de la vie)
Ce n'est que partie remise, diraient certains....
Ce livre est aussi un appel à la mobilisation des laïques pour la défense de la seule école du vivre ensemble... La complaisance électoraliste ou le manque de courage ne peut que profiter à ceux qui sans complexe veulent que la puissance publique continue à « organiser et à financer la concurrence privée avec sa propre école publique »puis à aligner le public sur le privé.
Cet abandon du combat laïque ne peut que conduire à mettre à bas une institution de la République qu'on appelle encore aujourd'hui l’Éducation nationale... Mais pour combien de temps encore!?

Jean-François Chalot