Oreiller d'herbes
de Natsume Sōseki

critiqué par Vigno, le 6 août 2002
( - - ans)


La note:  étoiles
Un roman-haïku
Un peintre s’arrête en montagne, dans une petite station thermale que plus personne ne fréquente. Seul client, il partage la vie des quelques personnes qui l'habitent.
Mais surtout il réfléchit sur l’art. Quelles différences y a-t-il entre l’art oriental et l’art occidental? Où se situe la barrière entre le raffiné et le vulgaire? Peut-on faire de l’art de toute matière? Quelle attitude doit adopter un artiste face aux sujets et objets qu'il doit peindre? Faut-il forcer la création ou la laisser s'épanouir jusqu’à ce qu’elle s'impose d’elle-même?
Comme vous l’avez deviné, on est plutôt devant un essai qu’un roman. La trame romanesque est pour ainsi dire inexistante. On rencontre bien quelques personnages, mais les rapports entre ceux-ci et le narrateur sont à peine esquissés. Les descriptions sont très précises, pour ne pas dire pointues. Le récit est parsemé de haïkus.
Oreiller d'herbes, écrit en 1906, raconte un Japon ancien, farouchement anti-moderne.
Traduit par René de Ceccatty et Ryôji Nakamura
L'impassible roman 7 étoiles

Un voyageur part en quête d’impassibilité. Il est peintre et poète. Il prône une poésie de la contemplation et rejette le roman psychologique à l'occidentale.
« Il faut que je me contente d’apercevoir de loin, avec désintérêt, les gens que mes flâneries me feront croiser, pour que ne se produise pas trop facilement l'électricité des passions. » Le narateur donne sa définition d'un roman impassible qui ferait fi de l’intrigue: « J’ouvre le livre au hasard comme je tirerais au sort et je lis la page qui me tombe sous les yeux et c'est là ce qui est intéressant ». Mode de lecture qui rejoint celui préconisé par Roland Barthes qui a écrit ce livre indépassable sur le Japon : L’Empire des signes.
Le projet du narrateur va être mis à mal par la rencontre avec une divorcée qui favorise justement, par ses apparitions calculées, son goût des tableaux et des scènes comme dans le théâtre Nô. Sôseki nous gratifie aussi de descriptions singulières de magnolias, camélias ou cognassiers qui s'accordent à son projet. Mais il adresse aussi des piques à l’attention des sophistes de la civilisation japonaise que sont les maîtres de thé (« Il n'y a pas, en notre monde, d’hommes plus prétentieux que les amateurs de la cérémonie de thé. Ils délimitent leur territoire exigu dans le vaste univers poétique et s’y recroquevillent avec une extrême vanité, avec une extrême componction, avec une extrême mesquinerie, sans autre nécessité que de boire de l'écume et de se congratuler. ») et des prêtres zen (la scène où il raille le manque de compréhension d’un de ces prêtres pourtant habitués à prodiguer des sentences énigmatiques).
Au final, un roman impassible ou un « roman haïku », selon le voeu initial de son auteur ? Pas sûr car c’était sans compter avec la nature satirique, impertinente, haute en couleurs de cet auteur qui réussit mal à fondre une composante de son caractère dans l'ensemble d’un roman qui se serait voulu tout entier impassible.

Kinbote - Jumet - 65 ans - 19 août 2003


Un roman poétique 8 étoiles

Ce roman vaut surtout pour la poésie qui s'en émane et pour la beauté des descriptions. On baigne dans une ambiance poétique, pleine de mystère et de douceur. La beauté ou les singularité des paysages et des scènes de vie se mèlent aux reflexions que se fait l'auteur. A noter l'agréable et belle édition (Rivage poche), qui ajoute au plaisir de la lecture.

Saule - Bruxelles - 58 ans - 19 août 2002