Guerre et spray
de Banksy

critiqué par Stavroguine, le 3 octobre 2011
(Paris - 40 ans)


La note:  étoiles
Street art
Il était écrit que mon dernier voyage à New York serait placé sous le signe du street art. J’y allais avec un appareil photo sous le coude et, dans la tête, une sincère détermination à arpenter les rues de Manhattan, Brooklyn et du Queens à la recherche de fresques urbaines et de peintures au pochoir. Comme un fait exprès, Air France proposait alors le docu(-fiction ?) Exit Through The Gift Shop, traduit Faites le mur en français après que le titre bien plus explicite Comment vendre de la m… à des c… avait été envisagé. Réalisé par Banksy, icône du street art depuis la fin des années 1990, lorsqu’il avait recouvert les murs de Bristol d’un pochoir représentant un ours en peluche balançant un cocktail molotov sur une escouade de CRS, le film s’intéressait à l’ascension de Thierry Guetta, un Français émigré à Los Angeles qui a suivi pendant des années de nombreux street artists jusqu’à (tenter d’) en devenir un lui-même sous le nom de Mr. Brainwash. De nombreuses rumeurs circulent sur l’authenticité du documentaire et du personnage de Mr. Brainwash et il semble qu’aujourd’hui, le plus grand nombre s’accorde à dire que tout ceci n’était qu’une grande farce orchestrée par Banksy lui-même, qui aurait créé Mr. Brainwash afin de dénoncer la ‘‘mercantilisation’’ de l’art de rue et l’émergence d’un certain nombre d’ ‘‘artistes’’ qui se contentent de colorier grossièrement des images issues de la pop culture et sortent leur art de la rue pour vendre leurs toiles à prix d’or (critique dont Banksy a lui-même déjà fait l’objet, Angelina Jolie ayant par exemple dépensé plusieurs centaines de milliers de dollars pour acquérir trois de ses oeuvres).

Dans ce livre trouvé dans les rayons de la librairie du MoMa, j’espérais trouver quelques informations sur Banksy, qui entretient le mystère sur son identité et son parcours, ainsi que sur sa démarche artistique. De ce point de vue, ce livre est une déception – mais que fallait-il attendre d’un livre signé Banksy lorsque l’on connaît l’épais voile de mystère qui plane autour de lui ? L’ouvrage ne comporte que très peu de texte, tout juste une anecdote de ci, de là, ou une petite phrase gorgée d’ironie ; une fable, parfois. Bien entendu, un coup d’œil à l’œuvre de Banksy suffit à comprendre son engagement politique et cette soif de liberté qui le meut. Son art est un défi permanent se situant aux confins de la légalité (son exposition à Los Angeles s’intitulait Barely Legal). Aussi, ne sera-t-on pas surpris de voir une hostilité affichée à l’égard des forces de l’ordre et plus encore des caméras de surveillance qu’il peint au milieu de paysages flamands qu’il détourne grâce à cet anachronisme savoureux avant de les exposer clandestinement dans les salles de la Tate Gallery (il avait même accroché dans les galeries du Louvre une reproduction de la Joconde dont la tête avait été remplacée par un smiley). D’autres fois, c’est l’absurdité de ce système ‘‘Big Brotherien’’ qui sera dénoncé : sur le mur nu qu’observe de façon ubuesque une caméra de surveillance, il peint ‘‘What are you looking at?’’. L’humour est omniprésent dans l’œuvre de Banksy, si bien que les forces de police évoquées plus haut (et toute forme d’autorité en général) sont plus moquées que véritablement agressées : un CRS anglais dont le visage a lui aussi été remplacé par un grand smiley jaune, un garde royal britannique qui pisse contre un mur, un commando de G.I.s qui peint un grand symbole de paix, ou encore cette image qui a fait le tour du monde de deux Bobbies qui s’embrassent. Banksy semble en effet distinguer la fonction et les hommes derrière elle, ce qui est suffisamment rare pour être remarqué.

Une œuvre qu’on peint au risque de se faire arrêter ne peut être que politique. L’art de rue de Banksy n’échappe pas à la règle. Si elle se limite souvent à cet humour gentiment provoc’ évoqué plus haut, d’autres œuvres ont une portée bien plus forte et quand Israël a érigé le mur de la honte le long de la frontière entre territoires colonisés et territoires palestiniens, offrant ainsi aux street artists un immense canva, Banksy a fait le déplacement pour y peindre l’ombre d’une petite fille qui semble s’envoler par-dessus le mur, portée par des ballons, ou encore ces enfants qui jouent sur une plage qui apparaît de l’autre côté de ce mur que Banksy, au moins en peinture, peut briser. Et puis, Banksy, c’est aussi les illustrations contre la guerre en Iraq (le tuyau d’une pompe essence pointé sur la tempe comme un flingue) et une dénonciation de l’impérialisme américain qui justifie des guerres (le détournement d’une des plus célèbres photos de guerre au monde avec cette petite fille au dos brûlé par le napalm qui fuit son village vietnamien en donnant la main à Mickey Mouse et Ronald McDonald).

L’ouvrage offre donc un très bel aperçu de l’œuvre de Banksy, axée autour d’un message pacifiste (autre image célèbre qui figure en couverture : un émeutier qui, au lieu d’un pavé, s’apprête à lancer un bouquet de fleurs) et libertaire, et d’une dénonciation du consumérisme ambiant. Concernant ces deux derniers points, on sera aisément convaincu par le plaidoyer de l’artiste selon lequel les villes sont bien plus polluées par les panneaux publicitaires que par ses œuvres offertes gratuitement à la vue de chacun (au moins durant la période précédant leur suppression et qui figure parfois en légende). On regrettera seulement cette absence de textes qui nous rendraient plus familiers avec la démarche de Banksy et pourrait expliquer certaines œuvres à la portée parfois obscure (on pense à cette Mona Lisa armée d’un bazooka ou à cette fameuse cabine téléphonique assassinée dans le Soho londonien). En plus de ce léger bémol, la nature même de l’œuvre de Banksy et des lieux où elle est exposée empêchent de faire de ce livre un ‘‘beau’’ livre d’art. Les amateurs de street art et les curieux auraient cependant tort de se priver d’y jeter un œil.
L'art « graffique » 9 étoiles

Une belle et totale découverte d'un artiste original à la réception de ce livre; si l'auteur-artiste ne se dévoile pas, ses quelques phrases nous donnent un éclairage sur sa vision de l'art, ses difficultés dans sa pratique et une liste de 12 conseils pour devenir graffeur.
Alternant humour et provocation iconoclaste, nous partons visiter avec un autre regard, le paysage urbain mais aussi quelques salles de musée.
Ma préférence ira cependant à ses peintures en Palestine sur le Mur de la Ségrégation, montrant son implication dans certains combats.
Avec une mention particulière pour la réussite de la mise en page de la couverture, où c'est la quatrième qui permet de comprendre l'engagement de Bansky.
Un cadeau que j'ai particulièrement apprécié pour la découverte, le sens des interventions de l'artiste et la qualité de ses graffitis.

Marvic - Normandie - 65 ans - 6 juillet 2012


Quand les murs n’en font qu’à leur tête… 9 étoiles

Original, surprenant, drôle, poétique, décapant, subversif… les qualificatifs ne manquent pas pour définir le travail de ce grapheur de talent. En tous cas, impossible de rester indifférent en voyant deux bobbies s’embrasser avidement ou une reine assise sur le visage d’une jeune femme allongée… ce qui, pour un sujet de sa majesté Elisabeth II, devrait forcément constituer un outrage majeur… Et comme si cela ne suffisait pas, l’artiste ne se limite pas aux murs. Il fait feu « sur tous bois », plaquant ses facéties explosives sur des toiles anonymes achetées en brocante voire sur des vaches ou des moutons (des vrais !), distribuant des pancartes « je suis une célébrité, sortez-moi de là » aux singes d’un zoo, fabriquant des sculptures à l’aide de cônes de signalisation. C’est créatif en diable, et ça peut même donner envie de se lancer…

Prince du « street art », ses œuvres éphémères – parfois effacées dans le quart d’heure après leur réalisation - font sens, la société capitaliste et son agent insidieux, la pub, étant ses ennemis jurés : «Toute publicité dans un lieu public qui ne vous laisse pas le choix de la voir ou non est à vous. Elle vous appartient. A vous de la prendre, de la réarranger, de la réutiliser. Demander la permission serait comme demander si vous pouvez garder la pierre qu’on vient de vous jeter à la figure. » On ne saurait être plus clair.

Blue Boy - Saint-Denis - - ans - 10 juin 2012