Théâtre de Clara Gazul
de Prosper Mérimée

critiqué par Perlimplim, le 7 juin 2011
(Paris - 47 ans)


La note:  étoiles
Mérimée et le théâtre
Une notice introductive, signée Jospeh l'Estrange, présente la comédienne espagnole Clara Gazul, à qui sont attribuées les pièces contenues dans le livre. Ce n'est que lors de rééditions ultérieures que Mérimée assumera directement la paternité de ce théâtre, étonnant à plus d'un titre. Ce stratagème courant en littérature, où l'auteur prétend n'être que l'éditeur ou le traducteur (comme ici) du livre, est pour Mérimée un moyen de justifier certains traits non classiques de son ouvrage. Car Mérimée, qui publie "Le Théâtre de Clara Gazul" en 1825, deux ans avant la "préface de Cromwell" de Victor Hugo, imagine que son oeuvre peut choquer. La règle des trois unités du théâtre classique français n'y est pas respectée, les personnages meurent sur scène, et un profond athéisme est clairement revendiqué. Prétendre n'être que le traducteur de ces comédies espagnoles permettait à Mérimée une liberté plus grande dans son écriture.
"Le Théâtre de Clara Gazul" est composé de sept pièces différentes: "Les Espagnols en Danemarck", "Une Femme est un diable", "L'Amour africain", "Inès Mendo" (qui se divise en deux parties), "Le Ciel et l'enfer", "L'Occasion", "Le Carosse du Saint-Sacrement". Ces pièces sont de longueurs et de tons très divers. Un rôle féminin principal (censé être celui joué par Clara Gazul) est le pivot central de chaque intrigue, comme si, au fil des pièces, le lecteur était convié à assister aux différentes déclinaisons et variations du personnage féminin. La couleur locale espagnole est largement présente, les sept pièces se passant soit en Espagne, soit dans des territoires sous influence espagnole (La Havane, le Pérou).
Malheureusement, dans son ensemble, "Le Théâtre de Clara Gazul" déçoit. Certaines pièces semblent relever du roman-feuilleton ou du théâtre larmoyant, et manquent de tension dramatique. Le lecteur devine trop souvent comment l'intrigue va se dénouer, tant tout cela semble cousu de fil blanc. Si le projet était louable et novateur, Mérimée n'a pas réussi à lui donner corps. Paradoxalement, c'est la dernière des pièces, "Le Carrosse du Saint-Sacrement", d'une facture plus classique mais d'une analyse psychologique plus fine, qui à elle seule justifie la lecture de ce théâtre. D'ailleurs, les adaptations du "Carrosse" ont été fort nombreuses, à commencer par "La Périchole" d'Offenbach à l'opéra, et "Le Carrosse d'or" de Jean Renoir au cinéma. Car Mérimée livre là une pièce aussi enjouée que subtile. Rien d'étonnant que, pour la postérité, "Le Théâtre de Clara Gazul" se résume au seul "Carrosse du Saint-Sacrement". A lire donc pour cette dernière pièce, alors que les autres restent plutôt décevantes.
Emotions et sensations fortes 7 étoiles

Prosper Mérimée s'est soumis à son tropisme espagnol, avec tout ce qu'il comporte d'enthousiasme et de clichés. Ces pièces courtes relatent des sentiments forts, comme la fierté, le coup de foudre, la vengeance, l'émotion vive, le courage et les coups de bravoure. L'ensemble s'avère coloré, rempli d'effets, assez faciles, et de sensations fortes, mais ne présente rien de nouveau sous le soleil. Ca se laisse lire aimablement ; voilà tout.

Veneziano - Paris - 46 ans - 20 février 2020