L'alcool et la nostalgie
de Mathias Énard

critiqué par Aliénor, le 25 mai 2011
( - 56 ans)


La note:  étoiles
Superbe trio
Un coup de téléphone réveille Mathias en pleine nuit. A l'autre bout du fil, Jeanne, la femme qu'il aime, lui annonce la mort de Vladimir. Mathias saute dans le premier avion, puis embarque dans le transsibérien pour rejoindre Vladimir. Et durant le voyage, il se souvient avec émotion du trio amoureux irrémédiablement désuni.

Le train semble décidément être source d'inspiration pour Mathias Enard, qui signe là une fois encore un roman dont le lecteur goûte chacune des phrases, ciselées avec précision dans un style envoûtant. On se souvient de Zone, roman fleuve qui ne comportait qu'un seul et unique point...final. Cette fois le livre est très court, et se lit d'une traite. Comme peut-être les verres d'alcool dans lesquels les trois héros de cette histoire ont failli se noyer. D'une traite et à voix haute, pour savourer la sonorité poétique de ce texte superbe, mélancolique et poignant. Pour moi, pas de doute, Mathias Enard est le meilleur de cette génération d'écrivains nés au début des années soixante-dix.
Esprit embué 9 étoiles

Etrange périple qu'entreprend Mathias pour emmener son ami reposer dans sa terre natale...

Face à ses propres démons, il se repasse le film de sa vie, de sa rencontre avec Jeanne à aujourd'hui. Dans son esprit tourmenté se mêlent la confusion, la nostalgie, les remords, les regrets, aussi quelques souvenirs de plénitude, lors de ses délires communs avec les deux personnes qui ont le plus compté pour lui.

Dans ces nuages de brume alcoolisés, shootés, ils ont vécu une jeunesse folle, en toute illégalité, et puis... Et puis il a bien fallu terminer l'aventure et reprendre des sentiers moins sinueux, pour avancer, devenir quelqu'un...

Mathias semble encore se chercher, lors de ce long voyage, il se sent infiniment seul, perdu dans l'immensité de ce pays qu'il a essayé de découvrir, mais qui le surprend encore, au point de se sentir happé par lui...

Une expérience douloureuse que retranscrit Mathias Enard, avec cet art de toujours trouver le mot juste.

Nathafi - SAINT-SOUPLET - 57 ans - 4 mars 2014


Comme un air de déjà vu 7 étoiles

Comme un air de déjà vu dans ce trio dramatique entre Volodia, Mathias et Jeanne. Elle s’appelle Jeanne comme Jeanne Moreau de Jules et Jim. Ils sont trois et ils s’aiment. Mais l’essentiel est-il bien dans ce souvenir ou davantage dans l’inspiration russe que suscite cet ultime ( ?) voyage de Mathias et Vladimir de Moscou à Novosibirsk.

Les grandes étendues russes, l’histoire russe, la littérature… et sont évoqués tour à tour Pouchkine, Dostoievski, Nicolas II, la grande Catherine ou encore Trotski pour évoquer le pays si fort et si dur que l’alcool et la nostalgie en sont les meilleurs traitements.

C’est l’histoire d’abord d’un jeune couple français, de Français, que la Russie, un russe vont ébranler ou recomposer. C’est l’histoire d’un trio de courte durée et pourtant définitivement indestructible que l’alcool, la drogue aussi, la nostalgie sans doute, vont mener jusqu’à certaines formes inséparables.

C’est l’écriture précise et précieuse de Mathias Enard dont la contemporanéité ne nuit ni à la qualité ni à une certaine forme d’intemporalité qui, à mon sens, caractérisera toujours le roman russe.

3,5/5

Monito - - 51 ans - 20 mars 2013