La contrebasse
de Patrick Süskind

critiqué par Jules, le 5 avril 2002
(Bruxelles - 79 ans)


La note:  étoiles
Un grand sentiment de solitude
Ce livre est bien moins connu que « Le parfum » du même auteur. Et pourtant, il vaut vraiment la peine d’être lu. Jacques Villeret a joué le rôle du narrateur de cette histoire au théâtre avec beaucoup de brio.
La contrebasse offre très rarement une place brillante dans un orchestre, et pourtant. Selon le musicien, l'orchestre pourrait se passer d’un chef, alors qu’il ne lui serait pas possible de se passer d'une contrebasse. Il leur arrive d'être plus de dix, mais alors, « si elles s’y mettent, vous ne pouvez pas leur damer le pion. »
Ce texte consiste en un long monologue pensé par un musicien de l'Orchestre National. Ses rapports à son instrument sont aussi profonds et quasi charnels que ceux qu’un pianiste ou un violoniste peuvent avoir pour le leur. On sent bien vite toute la place que cet instrument tient dans sa vie. Et puis, comment oublier une contrebasse ? Elle prend de la place chez lui, son souffle bruyant envahit les étages quand il joue, elle est peu aisée à transporter, volumineuse dans ses bras et large entre ses jambes. Ah, mais il l'aime son instrument !.
Cependant, petit à petit le monologue va changer de ton et le narrateur ne manquera pas de nous faire part des difficultés qu’il vit. S’il fait bien partie d’un orchestre, il n'en demeure pas moins qu'il y est remisé à un rang qu’il estime ne pas être le sien. Notre homme souffre d'une grande et très profonde solitude, d'une sorte de sentiment d’injustice aussi.
Au fil des lignes, il va nous donner ses impressions personnelles sur de grands musiciens ou de grandes oeuvres. Mozart ?. Très surestimé ! A côté de centaines de ses contemporains « il n'a pas inventé le fil à couper le beurre » Il a commencé très tôt à composer et était « au bout du rouleau ». Et puis, tout est la faute de son père, aujourd’hui on ne pourrait plus traiter un enfant comme cela ! Et la musique n'était encore quasiment nulle part ! Tous les grands compositeurs sont arrivés après lui, sauf Bach ! « Il avait toute la place ! »…
Nous apprenons que notre homme est amoureux, mais sans beaucoup d’espoir. Elle s'appelle Sarah et est chanteuse. Peut-être qu’elle ne le mérite pas, qu’elle est « intellectuellement sous-développée » mais « Vous savez, une belle voix est intelligente par elle-même, même si la femme est idiote, je trouve ; c'est ce qu'il y a d’affreux, dans la musique. »
Et cette condition de musicien d’un grand ensemble !… Son costume lui est payé, il n’a que sa chemise « à sa charge », il a toutes les protections sociales voulues, toutes les assurances…
Tout cela ne change rien au fait qu’il n'a encore rien réussi et que Schubert était déjà mort trois ans avant qu'il ait atteint son âge à lui !…
Pauvre contrebassiste !… Quelle solitude, quelle amertume en lui !.
Un petit livre tout en sensibilité et en finesse.
«On ne naît pas contrebassiste, on le devient!..» 7 étoiles

Je n’ai pas grand-chose à ajouter aux très belles critiques qui ont été déjà faites sur ce livre. Disons que c’est avant tout une pièce de théâtre sous forme de long monologue, un exercice de style, tout en nuances et sensibilité, d’un musicien, contrebassiste de son état et de son métier.

Le héros du livre, 35 ans, fonctionnaire dans le prestigieux «Orchestre National», dont nous ne saurons d’ailleurs jamais le nom, sous «couvert» de l’excuse de nous parler de son (parfois très encombrant) instrument, nous parler sa vie, avec comme pour nous tous ce qu’elle comporte de joies et de peines, de chance et de malchance, de bonheurs et de malheurs, de hasard et de destin…

Il nous raconte comment il est devenu musicien et en particulier contrebassiste, mais aussi son rôle au sein de l’orchestre, sa passion pour la musique, les musiciens qu’il aime, sa passion dévorante pour la jeune et belle soprano Sarah, sa solitude, le manque de gloire et de reconnaissance, les chefs d’orchestre et autre ténors qui se prennent pour des véritables «stars», les musiciens qu’il aime et ceux qu’il trouve largement surestimés etc etc…

Que dire de plus? C’est très bien écrit, dans le style unique, sec et grinçant, qui caractérise l’écriture de l’allemand. C’est court (moins de cent pages), cela se lit en quelques heures. C’est bien fouillé au niveau de la psychologie, le tout très bien rendu par l’auteur, aidé il est vrai par le fait qu’il n’y a qu’un seul personnage! C’est certes d’un intérêt inégal, surtout pour celui qui n’est pas connaisseur de musique classique, mais, comme toujours, l’auteur n’a pas son pareil pour amener le lecteur où il veut. Ici, notamment sur le fait que, finalement, dans la vie on peut être heureux avec très peu de choses…

Est-ce que je conseille la lecture de ce livre? Oui, bien sûr! C’est sans aucun doute un «concentré» du talent de l’écrivain allemand. Cela ne vaut certes pas «Le Parfum», qui je pense restera jusqu’à la fin de sa vie, le chef-d’œuvre absolu de Patrick SÜSKIND, mais pour ceux qui veulent aller plus loin que «L’arbre qui cache la forêt», et découvrir son œuvre et son écriture, alors, ce court récit est sans doute la lecture qu’ils vous faut!

PS : Un conseil? A lire en écoutant: Quintette pour piano et cordes «La Truite» D. 667 de Franz SCHUBERT (1797 – 1828), vous comprendrez pourquoi en lisant le livre…

Septularisen - Luxembourg - 56 ans - 3 juin 2023


A se bidonner comme une (contre)basse 9 étoiles

Le narrateur de ce monologue est un contrebassiste. Dans un premier temps, il n’a que des éloges pour son instrument adoré. Puis, peu à peu, il s’énerve et son point de vue devient tout autre : il faut se rendre à l’évidence, la contrebasse est relativement peu considérée, le public s’en fiche, et les applaudissements ne sont en tout cas pas pour lui. Sans compter que cet encombrant mastodonte est toujours dans les pieds et, pire encore, il plombe sa vie sentimentale…

Vous allez vous bidonner comme des (contre)basses en lisant ce court livret de 90 pages.


Extraits :

- Je ne vous apprendre rien en vous disant qu’entre l’amour physique et le ridicule, il n’y a qu’un pas.

- Il faut dire que la femme, dans la musique, joue un rôle subalterne. Dans la créativité musicale, je veux dire dans la composition. Elle joue un rôle subalterne. A moins que vous ne connaissiez une compositrice célèbre ? Ne serait-ce qu’une ?

Catinus - Liège - 72 ans - 20 décembre 2014


Classico' solitude 10 étoiles

Joli coup de maître de Patrick Süskind pour avoir retranscrit aussi adroitement la relation charnelle entre un musicien et sa contrebasse, sur fond de concerto de Brahms et Schubert.
Je ne suis pas musicienne, encore moins mélomane, mais j'ai suivi la mesure de ce "soliste" touchant et désespérant à la fois, qui s'enfonce progressivement dans la névrose ,et dont l'ultime objectif se résumera à " poser le doigt sur la corde et arriver à chatouiller les harmoniques ", sans qu'il n'ai pû se faire remarquer de Sarah.
Très bon livre.

Anonyme12 - - 14 ans - 24 octobre 2013


A voir sur scène... 7 étoiles

Une pièce que j'ai trouvée sympathique, sur un thème qui m'est cher, la musique. Des moments vraiment drôles, mais c'est vraiment un texte qui doit trouver toute sa force incarné par un comédien.

Cecezi - Bourg-en-Bresse - 43 ans - 12 février 2013


Un régal pour musicien 8 étoiles

Quel approche de l'instrument, c'est jouissif. La contrebasse est le personnage central de ce petit livre, elle nous apparait tantôt magnifique, tantôt horrible, tantôt grandiose, tantôt minable, .... Je suis soufflé par le travail de recherche qu'a dû faire l'auteur pour maîtriser à ce point l'instrument, la musique, la structure d'un orchestre. Un livre court, facile à lire, à écouter !

Pierraf - Paimpol - 66 ans - 25 décembre 2012


anthropomorphisme... 10 étoiles

Bien moins connu que « Le parfum », et pourtant… « La contrebasse » est un monologue retraçant les états d’âme d’un contrebassiste frustré et amoureux de son instrument - et accessoirement d’une soprano - comme on peut l’être d’une femme. Sans tomber dans un symbolisme de café du commerce, la comparaison n’est pas surfaite.
De l’avis même du « récitant », une contrebasse, dans une maison, ce n’est pas un meuble, comme peut parfois l’être le piano. Mieux…dans l’orchestre, si on peut se passer de chef, on ne peut pas se passer de contrebasse… On y revient…
Le contrebassiste en question entretient avec son instrument une relation quasi charnelle, avec ses moments d’attirance… et ses accès de haine. Parfois on a le sentiment qu’il en vient à le détester. Change-en est-on tenté de lui crier dans ces moments là… Facile à dire…
Un texte d’une sensualité et d’une profondeur peu commune. Cette petite pièce de théâtre sera donnée pour la première fois à Munich en 1981. Elle sera publiée en 1984 et sera magistralement interprétée par Jacques Villeret.

Lecassin - Saint Médard en Jalles - 68 ans - 29 juin 2012


Un roman trop technique 6 étoiles

Le style Süskind se confirme. Dans 'la contrebasse' il fait largement appel à l'ouïe du lecteur . Sans nul doute on entend la musique de la contrebasse!
Plus qu'un roman cet ouvrage cependant m'a paru être un vrai manuel du type 'l'orchestre pour les nuls' avec des références de musique classique un peu partout!
Facile à lire,on termine ce livre en se posant peu de questions!

Dany - - 50 ans - 10 mars 2012


Histoire sympathique 8 étoiles

Style Suskind est déjà annoncé dans ce livre : excellent pouvoir de décrire les scènes, les émotions, les personnages...

En plus de l'humour ! quelques passages m'ont fait éclater de rire !

Highlight - - 60 ans - 17 septembre 2008


L'amour-haine 9 étoiles

Au départ, j'ai acheté ce livre à cause de la couverture qui m'a beaucoup attirée (sur mon édition le titre est sur fond blanc et le reste de la couverture est beige).
J'ai beaucoup aimé l'histoire de cet artiste qui en est venu à détester cet instrument qui est pourtant toute sa vie. En effet, toute son existence est centrée autour de son instrument et des contraintes qu'il lui impose. On a envie de lui crier de changer d'instrument, ou de vocation. Mais finalement, cette haine n'est-elle pas née d'un amour trop grand? Ou peut-être est-il jaloux de son instrument?

Dalania - Dijon - 37 ans - 10 novembre 2006


A faire découvrir 9 étoiles

Cela faisait un petit moment que je souhaitais lire La Contrebasse pour deux raisons principalement. La première est que j'aime beaucoup cet instrument : sa forme même si elle est imposante (elle prend beaucoup de place dans une voiture), ce qu'il dégage, et bien sûr, le son. La seconde raison est que j'ai lu Le Parfum et ce livre m'a énormément marquée (dans le sens positif du terme). Pour tout vous dire, à la lecture de La Contrebasse, on a quelques difficultés à imaginer que son auteur est celui du Parfum. Et pourtant...
La Contrebasse est un petit bijou. Un monologue qui met en scène un contrebassiste. Passionné par la musique, il nous fait l'éloge de son instrument (l'orchestre peut se passer d'un chef d'orchestre mais pas d'une contrebasse). Et puis, au fil des mots et des pages, ses vrais sentiments sont révélés au lecteur. Le musicien déteste cet instrument : il ne le trouve pas beau, il prend de la place dans un appartement et en plus il ne peut servir de meuble à objets comme le piano. L'instrument est toujours là, même lorsqu'il y a une femme. Et puis, dans un orchestre, le contrebassiste est délaissé pour le premier violoniste ou pour le violoncelliste amoureux d'une soprano.... Une soprano pour laquelle le contrebassiste éprouve certaines choses... En somme, un petit traité sociologique. L'ensemble est merveilleusement raconté et l'on s'attache aux protagonistes qui sont le musicien et son instrument.

Nomade - - 12 ans - 9 novembre 2006


Un objet charnel, pas un "meuble" 7 étoiles

J'ai trouvé ce petit livre agréable, sans qu'il m'ait laissé de souvenir impérissable. Les grands traits valent le détour. D'une part, il fait part du fait que son instrument n'est pas pratique, à l'inverse du piano qui peut servir de meuble, au sens de meuble meublant : on ne peut rien déposer dessus. Et il souligne le désintérêt des mélomanes pour cet instrument, condamné aux lignes d'accompagnement. D'autre part, il évoque l'aspect charnel et sensuel de cet instrument, et décrit en quoi.
Cela fait un peu écho au film "Tous les matins du monde", consacré à la viole de gambe, ancêtre du violoncelle. La même année, en 1991, Jacques Villeret interprétait ce livre au théâtre. Une sorte d'année de la musique de chambre.
Je n'ai pas lu le Pigeon, mais le Parfum laisse plus de traces - dans tous les sens du terme - , qu'on en ait pensé du bien ou du mal.

Veneziano - Paris - 46 ans - 30 novembre 2005


UN LONG MONOLOGUE. 3 étoiles

Long monologue d'un musicien jouant de la contrebasse au sein d'un orchestre philharmonique, ce roman a le mérite de se lire très rapidement. Le style est relativement simple et agréable, mais je dois bien avouer que cette lecture ne m'a pas apporté grand chose. Du même auteur, j'ai préféré "Le pigeon".

Vantant les mérites de son instrument, à savoir la contrebasse, le musicien parle du peu d'intérêt que portent les gens au difficile art qu'est de maîtriser cet "objet encombrant". Au fur et à mesure des années passées à jouer de ce dernier, il nous dépeint sa solitude, voire même sa mélancolie, pour finalement nous avouer qu'il aime en secret une cantatrice trop limitée intellectuellement pour entretenir une relation durable. Sombrer dans la folie n'est ce pas la solution pour divertir son morne quotidien?

Ayor - - 51 ans - 29 novembre 2005


Et si la musique ne suffisait pas? 8 étoiles

Oui, ce petit livre vaut vraiment la peine d’être lu et, si possible, d'être vu, joué par un bon acteur : c'est d'abord un monologue destiné à la scène. La version de Villeret a bien sûr fait référence mais j’ai vu «La Contrebasse» en Belgique, voici quelques années, par un acteur qui faisait mieux que se défendre – et dont j'ai malheureusement oublié le nom. Jules a très bien décrit le cheminement du monologue. J'en extrais seulement un passage particulièrement significatif :
«La pensée», dit un de mes amis qui fait ses études de philosophie depuis vingt-deux ans et qui va passer son troisième cycle, « la pensée est une affaire trop complexe pour qu'on laisse le premier venu y bricoler en amateur». Lui (cet ami) n'aurait pas idée de se mettre au piano pour jouer comme ça la sonate «Hammerklavier». Parce qu'il n'en est pas capable. Mais tout le monde croit être capable de penser, et tout le monde pense à tort et à travers, et c'est la grosse erreur à l'heure actuelle, dit cet ami, et c'est ce qui déclenche toutes ces catastrophes, où nous laisserons notre peau l'un de ces jours, tous autant que nous sommes. Et moi je dis qu'il a bien raison. Je n'en dirai pas plus. Il faut que je me change, à présent.»
Un livre très recommandable, donc, tout comme «Le Pigeon», un autre opuscule de l’auteur du «Parfum». Un livre qui dévoile les facettes réalistes du métier de musicien, celles qui montrent que Nietzsche n'a pas forcément raison quand il écrivait que «sans la musique, la vie serait une erreur».

Lucien - - 68 ans - 9 avril 2002


Une belle critique 8 étoiles

Je n'ai pas lu ce livre mais j'en ai vu l'adaptation théâtrale et j'ai aussi été touchée par la relation homme-instrument, par cette contrebasse qui, finalement, est semblable au musicien ou peut-être l'inverse. Pas le plus gracieux des instruments mais plein de richesses, il faut la défendre, l'aimer. Elle qui, comme son propriétaire, n'est pas reconnue à sa juste valeur. Comme le fait remarquer Marco, c'est peut-être plus une solitude à deux, l'homme et sa contrebasse, symbole de sa passion et de sa mélancolie.

Bluewitch - Charleroi - 44 ans - 5 avril 2002


Pas seul... 9 étoiles

J'ai beaucoup aimé ta critique, Jules. Moi ce livre m'a bien plus touché que le devenu-classique-au-cours-de-français "Parfum". En particulier, j'avais apprécié quand le narrateur recherchait les pièces pour contrebasse et soprano et en trouvait 2, inconnues, qu'ils ne joueront sûrement jamais ensemble. Pour moi, c'est une belle façon de se trouver des points communs, de sortir de sa solitude en pensée par des "et si elle et moi...", de parcourir le chemin qui sépare les êtres. Et puis, le narrateur n'est pas vraiment seul, je pense. Il a son instrument, qui ressemble finalement à un corps de femme, non ?

Marco - Seraing - 50 ans - 5 avril 2002