Les filles d'Allah
de Nedim Gürsel

critiqué par Dirlandaise, le 29 janvier 2011
(Québec - 68 ans)


La note:  étoiles
La lune brillait...
L’écrivain Nedim Gürsel occupe une place primordiale dans la littérature turque. Auteur d’une trentaine d’ouvrages, romans, nouvelles essais littéraires et récits de voyage, il est traduit dans de nombreuses langues. Pour ce roman, il a reçu le prix de la liberté d’expression de l’Union des éditeurs de Turquie.

Dans ce roman, l’auteur raconte ses souvenirs d’enfance mais aussi, il enrichit son récit de passages de la vie du prophète Mahomet et de souvenirs de guerre de son grand-père qui l’a élevé après la mort de son père et le départ de sa mère. C’est un livre extrêmement axé sur la religion islamique et ses débuts. Nedim Gürsel raconte comment Mahomet a combattu les polythéistes qui adoraient les trois filles d’Allah : Lat, Manat et Uzza. Il raconte les difficultés d’implantation de la nouvelle religion monothéiste prônant l’unicité d’Allah. Il narre aussi de quelle façon son grand-père s’est battu contre les Bédouins conduits par Laurence pour la défense de Médine, la ville tombeau du prophète Mahomet.

Bien que l’écriture de monsieur Gürsel soit d’une richesse certaine, j’ai souvent éprouvé un léger ennui lors de cette lecture mais la beauté de l’œuvre et le touchant récit de son enfance m’ont motivée et j’ai persévéré pour mon plus grand bonheur car ce fut fort enrichissant et instructif malgré certains passages confus. Je ne connaissais pas du tout cet auteur et cela n’est certes pas une bonne idée d’aborder son œuvre avec son tout dernier livre. Il aurait été préférable de choisir le premier pour rester fidèle à mes bonnes habitudes car son univers est extrêmement mystique et difficile d’approche. Il faut s’intéresser à l’Islam et à ses rites afin de bien apprécier le récit car une large place est accordée à cette religion. Cependant, j’ai aimé cette façon de raconter comment Mahomet recevait les versets du Coran par l’entremise de l’ange Gabriel, fait que je ne connaissais pas mais chaque jour, j’essaie de combattre mon ignorance et ce livre fut très enrichissant. Nedim Gürsel donne également la parole à chacune des filles d’Allah dans de courts chapitres. Elles expriment leurs doléances et l’une d’entre elles, secrètement amoureuse de Mahomet, est dévorée de jalousie lorsqu’elle apprend son remariage lors de la mort de sa première épouse.

C’est un roman largement autobiographique semble-t-il. Une œuvre d’une grande qualité historique et littéraire réservée à un lectorat exigeant et connaisseur.

"Cette nuit-là, la lune brillait sur La Mecque d'un éclat étrange, toute blanche, énorme, plus étincelante et plus ronde qu'un bouclier d'argent, comme s'il allait se passer quelque chose d'extraordinaire, comme si la roue de la fortune était sur le point de se mettre à tourner. On ne distinguait ni les étoiles, ni la voie lactée, ni la grande ni la petite ourse. Seule la clarté de la lune régnait sur le ciel et illuminait la terre. Elle envahissait les ruelles poudreuses de la ville, les maisons de pierre et les tentes en poil de chameau, les bergeries et les arbres clairsemés. Elle jetait ses reflets sur le bâtiment sacré de la Kaaba qui se dressait comme un spectre dans sa robe noire ainsi que les idoles qui l'entouraient. Les filles d'Allah, blotties l'une contre l'autre, étaient plongées dans un profond sommeil. Auréolées par la lune, elles avaient l'air de saintes. Certes, les saintes femmes ne dorment pas, elles prient jusqu'au matin, mais si elles dormaient, c'était justement parce qu'elles n'étaient pas des saintes, mais des déesses. Lat, Manat et Uzza étaient plus belles, plus majestueuses que jamais."