La violence de masse dans l'Histoire - État, libéralisme, religion de Thierry Camous

La violence de masse dans l'Histoire - État, libéralisme, religion de Thierry Camous

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Histoire

Critiqué par Dirlandaise, le 1 janvier 2011 (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 68 ans)
La note : 8 étoiles
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Le côté sombre de l'âme humaine

L’Histoire est jalonnée de manifestations de violence aux origines variées. Dans cet essai, Thierry Camous tente de comprendre le phénomène de la violence de masse et de retracer les causes profondes qui poussent les hommes à s’affronter les uns les autres dans des conflits parfois d’une ampleur phénoménale et dont les conséquences résultent en des millions de morts.

Pour débuter, l’auteur nous entretient des différentes guerres coloniales dont entre autres celle menée aux Indes par les Britanniques, celle des Français en Algérie et des Allemands en Russie.
La deuxième partie du livre est consacrée aux causes profondes des grands conflits soit la rupture libérale et les sentiments qui en découlent : le ressentiment et la peur. La troisième partie est consacrée au rôle important exercé par la religion dans la violence de masse, en particulier l’intolérance du monothéisme et l’influence de la doctrine bouddhiste zen qui considère la vie comme un enfer et la mort comme une délivrance menant à une renaissance.

Dans sa conclusion, Thierry Camous exprime des craintes face à l’avenir et voit avec inquiétude le retour du colonialisme et du nationalisme. Il prône l’invention d’un cadre politique à même de préserver nos civilisations des instincts prédateurs de leurs élites, de structures de production soucieuses de la répartition sociale du bien-être et d’une nouvelle ère de tolérance religieuse à défaut de quoi, la violence risque de sévir encore et encore sans jamais être tout à fait éradiquée.

J’ai apprécié ce livre en dépit du fait que je ne partage pas toutes les idées exprimées par l’auteur en particulier au sujet du nationalisme qui serait nocif pour l’humanité selon lui et pousserait les hommes à la violence par peur et rejet de l’autre qui est perçu comme une menace. J’ai aussi des réserves au sujet du Dalaï-lama qui serait manipulé et instrumentalisé par la CIA et aussi sur l’opinion de monsieur Camous considérant les moines bouddhistes comme des agitateurs mis hors d’état de nuire à juste titre par la Chine. Cela me laisse songeuse.

L’analyse du caractère et des motivations profondes des différents dictateurs comme Hitler, Pol Pot et Staline est particulièrement intéressante. Le côté psychologique des personnages et le contexte politique et idéologique dans lequel ils évoluaient est exposé de façon claire et fort convaincante.

Le livre est très dense et fort bien documenté. La bibliographie en fin de volume est particulièrement impressionnante. Cependant, il est bon de rester critique envers les opinions exprimées même si celles-ci émanent d’un historien comme monsieur Camous. Car l’Histoire est vue et analysée différemment selon chaque historien et Thierry Camous se plaît à contredire et mettre en doute les affirmations de ses collègues dans les notes de bas de page qui agrémentent son texte, semant le doute dans l’esprit de son lecteur. Enfin, c’est un travail de qualité et fort édifiant malgré tout. Le rôle de la religion dans la violence de masse tel que décrit par l’historien est navrant et laisse un goût amer. Même le bouddhisme zen n’y échappe pas. Cette religion prône pourtant le respect de toute vie mais sa doctrine laisse place à une foule d’interprétation justifiant la violence. Assez déprimant et sombre car quel espoir nous reste-t-il lorsque même cette religion baigne dans le sang ?

Un livre instructif mais qui met en lumière le côté le plus sombre de l’âme humaine.

« La peur est le second objet émotionnel qui accompagne la violence de masse. Elle résulte de la logique de rupture entre le libéralisme et les théories du contrat faisant de l’État le garant de la protection des individus, le rempart contre la loi du plus fort, face à l’horizon dans lequel l’État s’efface au bénéfice des relations individuelles de concurrence. La peur résulte de cette soudaine liberté, qui n’est plus conditionnée, si ce n’est par une simple croyance non démontrée – voire mystique – en sa capacité exclusive à transcender les penchants sombres de l’humanité et à apporter le bonheur par l’accumulation de richesses. »

« Il convient, comme nous l’avons vu à propos de l’impérialisme nippon, de ne pas sous-estimer non plus une certaine conception bouddhiste du meurtre comme acte de délivrance et de compassion. Il ne faut pas oublier que pour le bouddhisme, et cela même s’il interdit strictement le meurtre, l’enfer, c’est la vie. Le but de l’existence est bien de s’en délivrer. C’est alors en ce sens qu’ôter la vie peut être conçu comme un acte compassionnel. »

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Les éditions

  • La violence de masse dans l'histoire [Texte imprimé], État, libéralisme, religion Thierry Camous
    de Camous, Thierry
    PUF
    ISBN : 9782130580515 ; 25,50 € ; 24/02/2010 ; 336 p. ; Broché
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