Journal de John Winslow à Grand-Pré
de Serge Patrice Thibodeau

critiqué par Dirlandaise, le 26 novembre 2010
(Québec - 68 ans)


La note:  étoiles
Pour ne jamais oublier...
Il y a plusieurs façons d’aborder un événement historique. On peut lire des récits écrits par des historiens en risquant toutefois d’être victime de leur propre interprétation des événements ou bien, on peut lire un livre tel que celui-ci, qui constitue un document historique exceptionnel de vérité et de sobriété car écrit par un des principaux intervenants de la Déportation soit le lieutenant-colonel John Winslow, commandant des troupes anglo-américaines chargées de déporter les Acadiens de la région de Grand-Pré en Nouvelle-Écosse en l’année 1755, suite aux instructions de Jonathan Belcher, juge en chef de la province de la Nouvelle-Écosse, rédigées en juillet 1755.

Serge Patrice Thibodeau est poète, essayiste et auteurs de récits de voyage. En 2003, il décide de se lancer dans la traduction d’une partie du journal de John Winslow soit celle concernant la Déportation du peuple acadien. La plupart des textes traduits sont des lettres adressées par Winslow ou bien reçues par lui de différents officiers de l’armée et aussi rédigées par de hauts dignitaires comme par exemple Son Excellence Charles Lawrence, lieutenant-gouverneur au service de Sa Majesté et commandant en chef de ses troupes dans la province de la Nouvelle-Écosse.

Les lettres s’étendent sur une période de quelques mois, soit le temps qu’a passé John Winslow et les troupes qu’il commandait à Grand-Pré afin d’y accomplir son « devoir » et procéder à l’embarquement de toute la population française résidant dans cette région de la province de Nouvelle-Écosse. Et pour décourager toute tentative de réinstallation de la part des prisonniers, la majorité des maisons et bâtiments de ferme furent incendiés et le bétail saisi afin de nourrir les troupes sur place. Pour bien comprendre les raisons de cet acte de barbarie honteux, il faut lire le document reproduit sur les pages 283 à 288 soit les instructions de Jonathan Belcher mentionné plus haut. La population française d’Acadie était considérée comme une menace permanente et une entrave au développement de la région et à son exploitation par les Britanniques. Se débarrasser de ces fâcheux constituait donc la meilleure solution envisageable.

Donc, le récit débute avec l’arrivée de Winslow et de ses troupes à Grand-Pré, leur installation dans l’Église et l’édification d’une palissade de protection. Ensuite, on convoque les Habitants par ruse et on les faits prisonniers. On garde les hommes et on laisse les femmes et les enfants rentrer chez eux afin qu’ils puissent continuer à s’occuper de leurs terres et ainsi approvisionner les prisonniers. On procède ensuite à l’embarquement des hommes sur les vaisseaux de transport et commence la longue attente avant de prendre la mer. Les femmes suivent souvent séparées de leur mari et subissent la déportation à leur tour. Winslow fait état de grandes lamentations de leur part ce qui n’est pas étonnant compte tenu des circonstances. Les destinations sont la Virginie, la Pennsylvanie et le Maryland quand ce n’est pas le fond de la mer et la mort. Et c’est ainsi qu’on a réussi à détruire une magnifique région française au noms de villages charmants tels que Rivière-aux-canards, Rivière-aux-Habitants, Rivière-des-Vieux-Habitants, Village Gaspareau, Vieux-Logis pour en faire une région aux tristes noms de Canning, Windsor, Kentville, Upper Falmouth… c’est d’une tristesse !

Difficile lecture fort émouvante pour ne pas dire révoltante. Je recommande ce livre à tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de cette région et à ceux qui se font un devoir de ne pas, comme le suggère Sa Majesté Élisabeth II, tourner la page. À ceux qui décident de vivre avec une mémoire intacte et surtout avec la fierté de faire partie de ce peuple martyr qui a survécu malgré la volonté des Anglais d’en faire de bons sujets fidèles et soumis à la couronne britannique. Acadie, je t’aime !
journal de winslow 10 étoiles

En tant qu Acadien moi aussi j ai été révolté par ce livre.Je recomande ce livre et je pense qu il devrait etre lu par tous.
Merci Dirlandaise pour ta critique

Acadiennement

Jean-Maurice Boudreau
Descendant d 'Athanase Boudreau

Andro2 - - 69 ans - 26 novembre 2010