Un mensonge sur mon père
de John Burnside

critiqué par CC.RIDER, le 18 octobre 2010
( - 66 ans)


La note:  étoiles
Une jeunesse gâchée
Le père de John Burnside est un prolétaire écossais, ancien joueur de foot, ancien militaire de la Royal Air Force et toujours en quête de reconnaissance qu'il espère obtenir en mentant. Il fut un enfant abandonné et trouvé, élevé dans des familles d’adoption et ayant sans doute eu une enfance sans grands repères. Avec sa femme, ils perdirent leur premier enfant, une petite fille, dont la mort les hanta toute leur vie. Le père reprocha même leurs existences à ses deux enfants, John et Margaret. Il passait le plus clair de son temps au pub à boire bière ou whisky et rentrait éméché et violent à la maison. Très vite, John prit son indépendance, traina avec des bandes de punks, but, se drogua en utilisant tout ce qu’il pouvait trouver : herbe, LSD, amphétamines, barbituriques. Il entama une longue descente qui l’entraina deux fois à l’hôpital psychiatrique alors que sa mère mourut fort jeune d’un cancer et que son père partit peu après suite à sa quatrième crise cardiaque.
Peut-on vraiment parler de roman à propos de ce livre ? Oui et non. Car c’est d’abord et avant tout un témoignage sur la vie quotidienne dans une région minière d’Ecosse au siècle dernier. Mais c’est également un récit de rapports difficiles voire antagonistes entre un père et son fils poussés jusqu’à l’autodestruction réciproque. Rien de bien gai dans tout cela d’autant plus que le lecteur doit subir une prose verbeuse et filandreuse, un style alambiqué alourdi de longues descriptions physiques ou psychiques plus ou moins utiles à la compréhension. Un gros effort est nécessaire pour suivre une pensée ténébreuse et embrouillée, un peu trop portée sur les idées fixes : tout récit est nécessairement mensonge, obsession du désir de chute et omniprésence de fantômes ou créatures imaginaires plus vraies que les réelles. Preuve que l’absorption de doses massives de LSD n’arrange pas l’état des neurones ! Certains snobinards crieront peut-être au génie, moi pas.
Dans les abîmes 8 étoiles

Un récit implacable, un voyage dans les abîmes du coeur humain, comme le suggère le texte d'Edgar Poe placé par l'auteur en exergue. Le narrateur de ce livre se penche en fait sur deux gouffres: celui de son père, alcoolique invétéré, et le sien propre, sa dépendance de plus en plus affirmée aux drogues et, en particulier, aux médicaments psychotropes. De quoi s'agit-il? D'un fils qui règle ses comptes avec son père à présent décédé? Non, pas vraiment. Même si le récit est sans concession, il ne prend pas, à proprement parler, l'allure d'un réquisitoire. Certes le narrateur ne cache rien des méfaits causés par son père à sa femme et à ses enfants. Mais il parle lucidement, sans haine revendiquée, cherchant à faire la vérité là où il n'y avait que mensonge et cherchant même, tout à la fin du livre, le chemin d'un éventuel pardon... Un grand livre, sans nul doute!

Poet75 - Paris - 68 ans - 27 février 2015