Ses personnages, ces trois physiciens aliénés et enfermés dans un asile, tous meurtriers, avérés ou en devenir, laissent planer le doute sur la réponse à cette question.
Comment s'appelle le premier assassin? Herbert G. Beutler. Oui, mais il se prend pour Newton. Mais non! Finalement, il pense être Einstein. Tu n'as rien compris! C'est un espion, sa véritable identité est Alec J. Kilton. Aaaaaaah! Et moi, quel est mon nom? C'est peut-être le lecteur qui finit par perdre la tête. Dürrenmatt voulait amener ses spectateurs à réfléchir. C’est réussi !
Sous une apparente légèreté, avec son brio pour la caricature et le grotesque, Dürrenmatt nous expose une vraie problématique : un chercheur est-il responsable de l’utilisation de ses découvertes, le tout sur fond de Guerre Froide. L’auteur laisse ses personnages s’empêtrer dans des situations absurdes, aller jusqu’au crime et leur donne l’illusion du choix : celui d’une sortie honorable.
Qu’ils sont satisfaits d’eux-mêmes, nos scientifiques, persuadés d’avoir pris la seule décision raisonnable. Ils n’ont pas « tué », ils ont « sacrifié » leurs infirmières pour préserver le monde. La pièce pourrait s’arrêter là. Mais c’est mal connaître notre Friedrich. Voilà qu’en quelques phrases, il balaie tout. C’en est presque jouissif.
Eux qui ne vivaient que pour la science, pour qui tout doit avoir un sens, réalisent qu’ils ont été manipulés, que leurs actes ont été vains. Le choix leur est désormais interdit.
Ne s’agirait-il pas de ce dénouement, « le pire possible », que l’auteur affectionnait tant ?...
Nexttime - - 47 ans - 2 novembre 2010 |