Temps mort
de Jean-Christophe Cambier

critiqué par Sahkti, le 16 septembre 2010
(Genève - 49 ans)


La note:  étoiles
Au-delà du construit
Roman ou poème en prose, "Temps mort" est difficile à ranger dans une catégorie tant le récit repousse les limites et conduit à l'inaccessible. La taille des passages, fragments dans certains cas, renforce cette dimension poétique tout en donnant au lecteur la possibilité de reprendre son souffle entre chaque élément narratif. Car nous sommes ici face à du costaud, face à une introspection qui bouleverse tous les repères, faisant fi des genres et des conventions. Les mots se font images, les phrases s'entremêlent pour déstructurer un fil conducteur donnant ainsi naissance à d'autres histoires.
Pas simple à résumer, je l'avoue, tant l'architecture est complexe, à l'image du contenu du texte.

Le narrateur se retrouve confronté à des rêves, des mirages, des fantasmes ou des souvenirs, autant d'émotions mises en abîme pour mener vers une sorte de méditation très particulière, partagée entre la passion et la réflexion. Presqu'un délire par moment, instant de folie conduisant vers une autre errance, tout se complète, tout s'oppose... pas simple on vous disait !
Nous passons allègrement du sommeil au temps qui passe, au réveil du temps, à l'enfance, au sacrifice, au déni, à la querelle, au démenti, au deuil, à l'extase ou au délire et j'en passe bien d'autres.
A travers ses impressions, ses aphorismes, ses jugements ou ses questionnement, le narrateur creuse une tombe virtuelle dans laquelle il enterre les conventions et les normes, préférant éclater l'écriture au profit d'une langue novatrice qui permet d'écarter toute limite à l'expression. Procédé intéressant, audacieux même, qui ne peut laisser le lecteur indifférent tant celui-ci doit s'accrocher, trouver ses marquer et teinter ce territoire de s apropre suggestivité. Un travail à fournir qui apporte énormément de satisfaction.

"Mes allures de fantôme, comme changé de substance, semblaient un défi chronique à la déférence et à l'admiration, donnant l'air d'une réduction qu'on aurait sous les yeux, mais éloignée du temps et dans le temps." (page 151)