Les assoiffées
de Bernard Quiriny

critiqué par Nothingman, le 14 septembre 2010
(Marche-en- Famenne - 44 ans)


La note:  étoiles
Une délégation de très haut niveau
On avait repéré Bernard Quiriny avec ses deux premiers recueils de nouvelles, dont le deuxième lui a valu accessoirement tout de même le Prix Rossel. Il s’attaque aujourd’hui au roman avec une incroyable uchronie. Et si, après une supposée révolution dans les années 70 le Benelux était devenu une dictature féministe où les hommes, réduits à l'état d'esclave dans le meilleur des cas, seraient peu à peu appelés à disparaître.
Le livre expose en parallèle le journal d'une Beneluxienne dont le destin va se trouver soudain propulsée dans les hautes sphères d'un pouvoir délirant, et le carnet de voyage d’une poignée d’intellectuels français en visite dans le pays. Étrangement, les deux histoires ne se mélangent à aucun moment. Deux atmosphères différentes dans ce roman. Dans la partie sur la Belge qui gravit les échelons sociaux, on sent constamment l’oppression qui la guette. Dans son logis, mais aussi dans le palais, elle est constamment rongée par le doute et l’impression d’être surveillée par les dignitaires du régime. Dans la partie qui suit les pérégrinations de la délégation, là aussi on sent l’oppression mais de manière indirecte. Vu qu’on suit une délégation qui au final, ne doit rien voir. Pour cette partie, sa fine équipe m’a rappelé le splendide reportage de l’émission « Striptease », baptisé « Une délégation de (très) haut niveau ». Ce film marchait sur les pas d’une délégation de quelques hommes politiques belges invités à découvrir la Corée du Nord. Un voyage durant lequel ils se sont fait balader de long en large par la dictature en place, avec quelques pitreries de leur part également. Jamais ils n’ont vu ce pourquoi ils étaient venus, observer et prendre le pouls de la vie quotidienne nord-coréenne. Un grand moment télévisuel en tout cas que l’auteur a certainement vu une fois. Il en va de même pour la délégation imaginée par Quiriny, baladée dans des no-mans land innommables, dans une Belgique aux paysages ravagés qui font froid dans le dos pour qui y habite.
Etrange d’ailleurs que cet auteur d’origine belge, mais résidant en France, ait pris la Belgique pour cadre de sa dictature. Bernard Quiriny, comme son guide imaginaire, nous emmène là où il veut. Et son premier roman, ambitieux, est pleinement réussi.
A noter que son premier roman fait partie de la première sélection du Renaudot.
Perplexité 4 étoiles

Les deux premiers recueils de nouvelles de Bernard Quiriny m’ont procuré un intense plaisir littéraire ; par contre, je ne suis pas arrivé à entrer dans ce roman, que j’ai abandonné après une centaines de pages. Je n’arrive pas à croire à l’histoire et je ne comprends pas où l’auteur veut en venir. Critique du totalitarisme ? Pas très original. Critique du féminisme ? Si oui, le procédé est assez lourd. N’est-ce rien de tout cela mais un divertissement littéraire ? Il m’ennuie, je le trouve long et pesant – un comble pour un orfèvre de la nouvelle ! - et ce n’est donc pas, selon moi, très réussi. Evidemment, je ne peux pas juger de l’intégralité du roman, puisque je l’ai abandonné en cours de route. Mais je conseillerais au lecteur de commencer par les nouvelles de B. Quiriny, qui sont d’un niveau exceptionnel (rien lu de cette qualité en langue française depuis Marcel Aymé, dans la veine fantastique et « pince-sans-rire »).

Eric B. - Bruxelles - 57 ans - 5 août 2012


Oui, mais... 7 étoiles

1er livre intelligent et agréable à lire. Une réussite désormais en poche.

Je nuance toutefois un peu les éloges, concernant 2 points :

1) Les personnages manquent à mon sens de chair, d'incarnation, et je n'ai pas réussi à m'identifier à eux. J'ai trouvé de ce fait le récit un peu froid. Conceptuel ?

2) L'utilisation de l'uchronie est habile mais pas si originale que cela. La littérature dite de genre, SF notamment mais pas seulement, nous en propose régulièrement. L'expérimentation, la créativité, l'audace sont peut-être à aller chercher dans ces contrées là, malheureusement trop souvent sous estimées.

Tout de même prometteur.

Botchman - - 51 ans - 1 juillet 2012


Révélateur, amusant, mais déçu de la conclusion 8 étoiles

Cela a déjà été écrit : le roman se scinde en deux parties : l'une reprenant le journal intime d'une sujette de l'empire qui accèdera par hasard au sommet du pouvoir et qui en subira la chute; l'autre reprend le compte-rendu d'une délégation de haut niveau envoyée en Belgique, devenue dans cette uchronie un empire totalitaire aux mains de la bergère.

Dans l'ensemble, ce roman est une réussite et démontre par l'humour et l'absurde les raisonnements oiseux qui entourent les régimes totalitaires. On n'est pas loin de Orwell.

Je regretterai une fin décevante, où le point de vue change brutalement sans explication et sans réelle valeur ajoutée. Peut-être le narrateur de la partie finale consacrée à la fin de l'empire publie-t-il le journal intime d'une victime de l'Empire afin d'en démontrer les errements? Mais avec quel dessein? Dans quel contexte?

Fa - La Louvière - 48 ans - 20 juillet 2011


les assoiffé(e)s d'un nouvel ordre 8 étoiles

Qui sont-elles ces assoiffées ? Des féministes ultras qui ont pris le pouvoir de l’Empire (ex Benelux) avec Judith au pouvoir dictatorial.
Bernard Quiriny a obtenu le Prix Rossel 2008 pour son recueil de nouvelles Contes carnivores. Né en Belgique mais de nationalité française, l’auteur égratigne dans Les assoiffées, tant les Français que les Belges !
En 1970, une révolution partie de la Hollande s’étend en Belgique et au Luxembourg. Un ordre nouveau est établi avec rien que des femmes ! Les frontières sont fermées et c’est le black-out sur tout ce qui se passe dans cet Empire ! 40 ans après, une délégation de journalistes français, plutôt fervents féministes, est invitée à visiter cet empire mystérieux, suprême et inédite faveur. En parallèle à cette intrusion bienveillante dans cette dictature féministe basée sur un pouvoir absolu et une cour dont Louis XIV pourrait être jaloux, Astrid, une femme du peuple, est remarquée par la Bergère, Judith ; elle découvre un monde tellement différent de la misère qu’elle a connue.
Quel est le rôle de l’homme dans cet univers ? Etant la cause de tous les malheurs qui affligent la femme, il doit être exclu, émasculé ! Un monde nouveau pour cette société en devenir !
Cette fiction aux hyperboles incroyables fait sourire le lecteur mais suscite aussi une réflexion sur toutes les dérives que peut engendrer un pouvoir dictatorial.
Le roman possède deux entrées qui se superposent : l’une, la délégation française avec des individualités qui s’opposent tout en gardant le « politiquement correct » tant entre eux qu’avec leurs hôtes ; l’autre, Astrid qui tient son journal intime et qui dévoile ainsi au lecteur la vie contrastée entre ce qui se passe au chaud à la Cour et les frissons d’horreur vécus par le peuple.

Ddh - Mouscron - 82 ans - 10 décembre 2010