Le monde s'est-il créé tout seul ?
de Henri Atlan, Albert Jacquard, Jean-Marie Pelt, Ilya Prigogine, Joël de Rosnay

critiqué par Kinbote, le 10 août 2010
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
Dieu, l'Homme, la matière et le Big Bang
Le principe anthropique, énoncé en 1974 par l’astrophysicien Brandon Carter, met l’Homme au centre du système cosmique. Si l’univers est né du Big Bang et a suivi l’évolution qu’on connaît, c’était pour qu’apparaisse sur terre l’espèce humaine. Il s’oppose au modèle de l’auto-organisation du monde. Ce principe est l'argument qu'avance Patrice Van Eersel, le coordinateur du projet, pour questionner des scientifiques de renom sur ce qu’ils en pensent, donner leur avis sur la théorie du Big Bang et relater les dernières nouveautés en astrophysique ou en biologie. Van Eersel relance ses interlocuteurs avec les mêmes références: le principe d’incertitude d’Heisenberg, le théorème de Gödel relatif à l’incomplétude des modèles mathématiques, la théorie du chaos, la mécanique quantique, la théorie de l’évolution de Darwin...

Trinh Xuan Thuan, connu du grand public par ses entretiens avec Matthieu Ricard, et par qui s’ouvre l’ouvrage, défend le principe anthropique, ce qui n’est pas le cas des autres intervenants hormis Jean-Marie Pelt. Un des entretiens les plus stimulants est celui avec Albert Jacquard. Il démontre par exemple, chiffres à l’appui, pourquoi le temps n’est pas vécu de la même façon suivant l’âge que nous avons. Le livre comprend aussi une des dernières interviews d’Ilya Prigogine qui revient sur sa théorie des structures dissipatives et défend un mode d’auto-organisation du monde.

Au final, un livre souvent passionnant qui nous fait découvrir plusieurs scientifiques et des théories (la théorie des univers bulles, la matière noire cause de l’expansion de l’univers, les risques et promesses des nouvelles technologies, la démonstration mathématique d’un monde sans commencement, la vie qui n’est pas un objet de recherche en soi, l’inconnaissabilité du monde et l’imprévisibilité des systèmes complexes, le matérialisme spinoziste précurseur de la connaissance scientifique...) dans des termes toujours accessibles même si le point de discussion, le principe anthropique, paraît un peu fumeux, d'ailleurs contesté en termes rudes par une partie des intervenants. Il m'a semblé que l’interviewer laisse trop transparaître son opinion à moins qu’il ne se fasse l’avocat du... principe anthropique pour animer le débat et susciter la contradiction.