La bande dessinée : Mode d'emploi
de Thierry Groensteen

critiqué par Miss teigne, le 28 juillet 2010
( - 42 ans)


La note:  étoiles
La bande dessinée pour les nuls
Si la bande dessinée a été placée à la neuvième place du classement des Arts, ce n’est ni par hasard ni immérité. Car elle n’est pas ce medium tel qu’on l’imagine, secondaire et plus volontiers réservé aux classes populaires ; si art populaire elle est, est est aussi paradoxalement le plus méconnu.

Si ses détracteurs ne l’assimilent pas à un art "noble", cet ouvrage prouvera aux lecteurs récalcitrants que le 9ème art est loin d’être aussi simpliste et populaire qu’ils l’imaginent. Mais si, au-delà d’un certain snobisme, ces lecteurs réfractaires au genre étaient tout simplement inaptes, "incompétents" pour comprendre son mécanisme ? S’ils étaient ce que Benoît Peeters appelle des "aniconètes", à savoir des "analphabètes de l’image" ? Dans ce cas, c’est parce qu’ils ne parviendraient pas à déchiffrer les codes propres au 9ème art qu’ils s’en détourneraient, comme le Renard des fables de La Fontaine se détourne des raisins. L’assertion d’"incompétence" n’a ici rien de péjoratif ou d’insultant. Il s’agit tout simplement de constater que les caractéristiques de la bande dessinée sont impénétrables à quelques-uns, car ses références ne leur sont pas familières. Paradoxalement, il ne suffirait pas d’être « bédévore » pour comprendre tout son mécanisme.

Mais pour prendre toute la mesure de la lecture de ce medium, il faut tenir compte de la grammaire de l’image, laquelle doit rencontrer un certain nombre de paramètres tels que la mise en page, l’échelle des plans ou encore le mouvement (qui doit être interprété correctement). Le tout doit être lisible, compréhensible par le lecteur. En l’occurrence, définir le concept de bande dessinée n’est pas aisé et on ne peut que relever différents points convergents : un scénario, un dessin et des couleurs.

Le découpage du scénario en vignettes, à lui seul, relève du défi et d’un véritable savoir-faire. Quant au dessin, Groensteen vient nous parler de la "typification" des personnages et du rôle des décors tandis que les couleurs ne sont pas seulement enjolivantes mais participent à la narration, en traduisant des émotions par exemple… En outre, scénario et dessin contiennent un certain nombre de références, décelables ou non par le lecteur, selon son degré de connaissances. Quoi qu’il en soit, les trois tâches sont censées se compléter… même si le résultat n’est pas toujours à la hauteur des espérances.

Force est de constater que depuis que Rudolf Töpffer lui a donné son impulsion, la BD a énormément évolué. Elle englobe aujourd’hui des auteurs comme Dave Mc Kean, qui exploitent toutes les techniques et tous les matériaux à leur disposition. La BD a en effet « gagné » en technicité et utilise les dernières technologies telles que le numérique, notamment dans l’application des couleurs. Mais, bien sûr et heureusement, il y a encore des puristes qui réalisent tout de leurs propres mains.

L’univers de la BD compte un certain nombre d’auteurs talentueux mais aussi des experts. Parmi ses spécialistes, on trouve Thierry Groensteen qui, en véritable amoureux du genre, ne nous cache rien de ses tenants et aboutissants, tout en n’occultant pas ses défauts (en traitant de l’avantage et de l’inconvénient des séries par exemple). Une lecture riche en enseignements et ce, même si Groensteen donne parfois l’impression d’aimer se lire, emporté par la passion du moment… Cet ouvrage, illustré d’une cinquantaine de planches passées au crible, s’adresse à toute personne s’intéressant de près ou de loin aux rouages de la bande dessinée.