Des libertés sous influence
de Alain Etchegoyen

critiqué par Falgo, le 11 juillet 2010
(Lentilly - 84 ans)


La note:  étoiles
Un aide vivace pour réfléchir le monde politique français
Dans ce livre publié en 1997, 4 ans après "La démocratie malade du mensonge", Etchegoyen poursuit en philosophe l'analyse du pouvoir, phénomène peu évoqué par la philosophie politique traditionnelle. Il a décelé dans les jeux du pouvoir ceux qui relèvent de l'influence, c'est à dire de la capacité d'agir de manière masquée, indirecte et irresponsable sur les décisions politiques.
Pour lui, le jeu des influences menace la démocratie. A ses limites il correspond aux catégories juridiques de trafic d'influence, de conflits d'intérêt (tiens! tiens!) et de corruption. Mais dans d'autres configurations "l'influence donne du pouvoir à ceux qui n'en ont pas" (p.30), "elle est dans la démocratie ce qui permet de contourner la démocratie" (p.31). En effet elle permet, sans aucune légitimité démocratique, de peser sur les décisions politiques et de n'en porter en aucune façon la responsabilité. Décrypter les modes d'influence, leurs mécanismes et leurs conséquences est une tâche à laquelle Etchegoyen se livre avec vigueur et une belle rigueur intellectuelle en présentant de nombreux exemples. Pratiquer l'influence, c'est fuir la responsabilité. Tout détenteur de pouvoir tente d' en utiliser les voies afin d'orienter l'opinion dans son sens, manoeuvre que Etchegoyen a nommée 'leurre' dans son précédent livre. Ce faisant, le politique tente d'échapper aux débats démocratiques et à la définition de responsabilités futures et se perd dans les méandres de l'image sur laquelle surfent les médias et les conseillers en communication. Par l'analyse des notions de projets de société, de programmes, de l'affaire du sang contaminé - qui, à l'évidence, a vivement frappé l'auteur - Etchegoyen traque les dérobades des politiques devant leurs responsabilités, pierre angulaire du sens de l'intérêt général et de l'Etat: "c'est sur cette non-responsabilité que se fonde le discrédit des élites" (p.160).
Renverser la tendance revient à se poser en permanence la question stoïcienne: "qu'est ce qui dépend de nous et qu'est ce qui n'en dépend pas?". A partir de là, sa réflexion porte sur les couples liberté/sécurité, libre/occupé, libéralisme/socialisme, pouvoir/responsabilité, etc.
Elle conduit Etchegoyen à réaffirmer, pour la définition de lignes politiques, la prééminence du rappel des principes et la formulation du sens qui en découle, seuls ancrages capables de résister aux tentations du pouvoir et au caractère pernicieux des influences.
Dans la période actuelle, une lecture salutaire et rafraîchissante.