Omon-Ra
de Viktor Pelevine

critiqué par Dirlandaise, le 21 avril 2010
(Québec - 68 ans)


La note:  étoiles
Faucon fidèle de la Patrie
J’aime bien Viktor Pelevine. Sous des dehors de dur, c’est un homme au cœur tendre. Il a un côté poétique que je souhaite voir s’épanouir davantage dans sa production future car il compose parfois des paragraphes de toute beauté, d’une pureté de pensée et d’une belle sensibilité. Il possède aussi un côté cynique et désabusé qu’il se plaît à étaler dans ses récits où il mêle le fantastique avec le réel, ce qui a pour effet de me dérouter complètement.

Ce récit ou cette fable débute par les rêves d’enfant d’un petit garçon moscovite qui aspire à devenir cosmonaute. Cette profession est très valorisée en Russie et beaucoup de jeunes souhaitent ardemment l’exercer. Donc, Omon Krivomazov parvenu à l’âge requis, s’inscrit à l’école d’aviation Maressiev où il suivra un bien étrange entraînement en compagnie de camarades auxquels il finit pas s’attacher malgré de nombreuses différences de caractères. Il est choisi pour être celui qui marchera sur la lune afin de remplir une importante mission dédiée à la gloire de son pays. Mais le retour sur la terre n’est pas prévu dans le plan de vol…

C’est la curiosité qui me pousse à lire cet écrivain. Je me demande toujours dans quel univers étrange il va m’entraîner, me perdre, me dérouter. Car lire Viktor Pelevine, ce n’est pas de tout repos. On ne s’avance pas sur un sol solide mais sur des sables mouvants où on risque de s’enfoncer pour ne plus jamais réussir à s’en extirper. Il happe son lecteur, s’en empare et lui fait vivre un cauchemar éveillé. Car, c’est bien un cauchemar que va vivre Omon. Mais je ne dois pas raconter l’histoire, je vous laisse la découvrir. La fin surtout est palpitante et très imaginative. En refermant le livre, je me suis dit que ce serait un scénario formidable pour un réalisateur, mêlant science-fiction et absurdité kafkaïenne tout à la fois. Le thème de l’enfance revient souvent au cours du récit comme si l’écrivain regrettait fort ce paradis perdu, cette belle insouciance, ce temps où tout est possible, où l’avenir s’étale devant soi tel une route pavée de grands projets et d’insatiables désirs. Devient-on jamais adulte ou bien sommes-nous d’éternels enfants possédant des jouets plus gros et plus dangereux dont la manipulation peut s’avérer désastreuse au moindre faux pas ?

Monsieur Pelevine a une formation d’ingénieur en aéronautique et son écriture en est fortement marquée. Tout ce que je souhaite, c’est qu’il laisse éclater son talent poétique car là, c’est un vrai régal de le lire. Comme le mentionne la quatrième de couverture, il est l’un des meilleurs représentants de la nouvelle génération d’écrivains postsoviétique. Un auteur à suivre donc, enfin pour moi.

P.S. : La couverture que j’ai trouvée est celle de l’édition anglaise alors le trait d’union est manquant dans le titre et le nom de l’auteur est orthographié différemment de l’édition française d'Austral que j’ai en main.

« Je me demandais si un seul de ceux qui verraient dans le journal la photo du lunomobile aurait même simplement l’idée d’imaginer qu’à l’intérieur de cette casserole d’acier, créée juste pour ramper soixante-dix kilomètres sur la surface lunaire et s’arrêter à jamais, un homme regardait l’extérieur à travers deux lentilles. Cela ne ferait aucune différence, mais, même si quelqu’un le devinait, il ne saurait jamais que cet homme, c’était moi, Omon-Râ, faucon fidèle de la Patrie, comme le commandant de vol m’appela une fois en m’entourant les épaules de son bras, tout en me montrant du doigt un nuage lumineux de l’autre côté de la fenêtre. »