J'accuse le général Massu
de Jules Roy

critiqué par Shelton, le 8 avril 2010
(Chalon-sur-Saône - 67 ans)


La note:  étoiles
Quand il accuse, il accuse...
Pourquoi déterrer un tel ouvrage écrit en 1972 en réponse à un livre du général Massu, La bataille d’Alger. Ne serait-il pas temps de refermer ces dossiers empoussiérés et ensanglantés que traîne la France depuis sa colonisation inhumaine et sa triste décolonisation ? Je sais que cela pourra en surprendre plus d’un… et pourtant…

Tout d’abord, comme souvent, cette lecture est le fruit d’une rencontre entre un ouvrage et une main, la mienne. C’est vraiment par hasard que j’ai trouvé cet opuscule engagé chez un bouquiniste. Il n’était pas cher et j’étais bien curieux de savoir ce que pouvait bien reprocher Jules Roy, auteur que je ne connais pas beaucoup, à ce général dont le nom m’était connu surtout à cause de ses relations avec le général de Gaulle, pas tellement pour le reste de son « œuvre »…

Jules Roy, que je suis en train de découvrir en lisant son majestueux et volumineux journal, est un écrivain et un militaire français, né en 1907 à Rovigo (Algérie) et qui est décédé en 2000 à Vézelay en Bourgogne. Catholique, formé au lycée du séminaire d’Alger, il choisit le métier des armées (tirailleurs algériens, école de Saint Maixent, Infanterie, Armée de l’air, officier et Forces Françaises Libres durant la seconde guerre mondiale). Dans les années cinquante, écœuré par le comportement de certains militaires et la politique française en Indochine puis Algérie, il rompt avec la « Grande muette ». Cette rupture sera explicitée dans « Les belles croisades ».

Il décide alors de se consacrer à la littérature et son pays d’origine, l’Algérie. Il aurait aimé que les deux peuples de sa terre se retrouvent pour vivre ensemble dans le respect mutuel et la paix. L’histoire en a décidé autrement et il pense que le général Massu en porte une grosse responsabilité. Aussi, quand ce dernier tente de raconter sa bataille d’Alger, quand le général dit que la torture était la seule solution, quand il justifie son mépris du bougnoul… le colonel pied noir se sent obligé de réagir et d’écrire qu’il y a toujours d’autres solutions, que la violence, la haine et la torture ne sont jamais obligatoires…

Le ton de ce petit essai est alerte, agressif, dynamique. Mais, jamais Jules Roy ne s’attaque à l’homme ! Non, il fait la différence entre l’homme et son histoire d’une part, et l’officier qui déshonore l’ensemble de l’armée par des actes irresponsables et inhumains.

On sent bien que le militaire pied noir, profondément humaniste, reproche, à travers la personnalité de Massu, les actions de tous ceux qui, de la métropole, ont voulu régler les problèmes de l’Algérie sans la connaître, sans respecter ses habitants, tous ses habitants, plongeant cette terre ensoleillée dans un drame qui aurait pu être évité malgré une colonisation terrible dont parle l’auteur plusieurs fois pour expliquer certaines réactions…

Je suis très heureux d’avoir lu ce pamphlet, d’avoir découvert Jules Roy et d’avoir lu, enfin, un très beau réquisitoire contre la torture et la violence. C’est un officier qui en est l’auteur et cela m’a donné certaines satisfactions que certains comprendrons bien, eux qui me connaissent…