Quelques-uns des cent regrets
de Philippe Claudel

critiqué par Yeaker, le 2 avril 2010
(Blace (69) - 50 ans)


La note:  étoiles
Le livre que j'aurais aimé écrire
Un homme revient dans son village qu'il a quitté il y a longtemps pour enterrer sa mère qu'il n'a pas revue depuis.
Je n'ai pas de sympathie pour l'auteur ni pour ses oeuvres récentes que j'ai lues ou parcourues mais ce texte est magistral. Alors oui c'est triste et mélancolique mais c'est très beau. Ceux que la mélancolie dérange doivent impérativement s'abstenir. Je n'ai dit que deux lignes en guise de résumé mais c'est déjà trop car tout est mystère quand le bus s'arrête à l'entrée du village. Ce n'est que pas après pas que l'on découvre ce que j'ai écrit ci dessus et d'autres choses. J'aime d'autres livres autant que celui-ci mais en lisant cela vous vous dites que chaque mot est à sa place et qu'aucun autre ne pourrait s'y substituer.
un bijou de monsieur Claudel. 10 étoiles

Je me souviens avoir écrit dans une critique précédente… « la petite musique des mots » en parlant d’un récit de monsieur Claudel.
Ces mots me reviennent aujourd’hui en refermant « Quelques-uns des cent regrets », un livre d’une grande nostalgie, d’une profonde humanité, un livre qui nous invite à prendre soin de ceux que l’on blesse ou que l’on a blessé et à prendre soin de l’enfant blessé qui sommeille en nous avant qu’il n’étouffe, et ne crie sa douleur en claquant une porte…que l’on regrettera d’avoir claquée.

L’histoire c’est l’histoire d’un fils et de sa mère, trop tôt devenue mère dans une petite ville provinciale ; c’est l’histoire de secrets familiaux étouffant.
L’histoire est triste, poignante, pesante et, en même temps, Philippe Claudel sait faire naître une opale au milieu de l’eau, le désir d’avancer sans oublier ni étouffer ces cent regrets…une petite musique nostalgique comme une valse lente et triste, une valse entre les eaux de cette ville où le narrateur est venu pour enterrer sa mère autrefois tant aimée.
Valse des regrets dont les notes s’enfilent comme des perles…

J’ai frissonné en lisant les dernières livres du livre juste avant de le refermer.
Et ce livre tout en retenue, en justesse, vibrant d’une émotion indicible laissera résonner encore longtemps …sa petite musique mélancolique.

Bafie - - 62 ans - 14 septembre 2014


Un somptueux hommage à une mère défunte 10 étoiles

L’on retrouve ici avec un bonheur ému la somptuosité du style de Philippe Claudel.

A l’occasion des funérailles de sa maman, le narrateur revient sur les lieux de son enfance. Elevé sans père, il se retrouve assailli de nombreux souvenirs, tout chargés de remords et d’une émotion contagieuse. L’on ne sort pas indemne, en effet, d’avoir abandonné sa mère sans s’être donné une seule chance de la revoir, avant sa définitive disparition … En voici un extrait :

(page 115 de l’édition Folio) – « J’ai depuis seize années endossé les habits de fils indigne. J’ai vécu loin de celle qui m’avait donné le jour avant de tout me sacrifier. Elle qui fut la plus parfaite des mères, je l’ai laissée un matin, partant comme un voleur à la petite semaine, sans un mot griffonné, sans une explication, à peine une colère. J’ai tiré une porte et un trait. Je me pensais grandiose, immensément mâle. L’orgueil a fait le reste. Puis la gêne a pris le relais, ainsi que la jeunesse oublieuse, l’usure des jours qui creuse les désirs aussi sûrement que l’acide, et qui fait qu’il est de plus en plus malaisé de tendre de nouveau la main, de pousser une porte, de dire un nom. »

Une belle et grande écriture …

Ori - Kraainem - 88 ans - 13 janvier 2013


Un beau voyage dans le passé. 10 étoiles

Beaucoup de finesse dans ce récit intimiste où le narrateur retourne (dans le village où il est né) et se retourne (sur son histoire personnelle).
Un peu d'errance, de l'introspection, des fantômes, et du silence.
Et puis de la nostalgie, beaucoup, celle du temps qui a fui, sans retour possible, emportant avec lui les secrets enfouis de l'enfance perdue.
Magnifique. Très joli moment de lecture pour moi.
Ca me fait un regret de moins: celui de ne l'avoir pas lu.

"Les parfums des lieux où nous avons vécu gardent à jamais dans nos mémoires leurs vives empreintes, à l'inverse des visages et des voix qui s'en vont inexorables se perdre dans des puits sombres.
Les respirer nous replonge, avec une vigueur toujours effrayée, dans des moments qui ne sont plus depuis longtemps."

Sissi - Besançon - 53 ans - 14 février 2011


"La vraie question..." 8 étoiles

"Je n'aime pas les morts, surtout les morts que j'aime..."
"Les gens veulent toujours savoir de quoi sont morts les morts, mais l'important n'est pas là... La vraie question, c'est pourquoi ils sont morts, et celle-là, cette question, on ne se la pose jamais..."

Ces paroles du prêtre vont emmener le héros sur les traces de son enfance.
Petits pas vers des pans de vie, de bonheur, et voile soulevé sur des secrets.
Que de gâchis, que de souffrances dans toutes ces vies...

Loin d'être mon préféré parmi les livres de Claudel, ce roman nous fait partager le deuil du héros avec force dans une ambiance très particulière.

Marvic - Normandie - 65 ans - 8 octobre 2010