Je suis une femme, pourquoi pas vous?
de Martine Storti

critiqué par CHALOT, le 31 mars 2010
(Vaux le Pénil - 76 ans)


La note:  étoiles
un récit vivant du combat féministe
Elles ont osé et osaient!

Ne prenons pas l'invitation au pied de la lettre : le titre n'est que la reprise d'un slogan d'une manifestation de femmes.
Il était une fois un quotidien qui avait au moins le mérite de libérer la parole et de permettre des échanges. Pendant plusieurs années ce journal a été un outil de transformation sociale et de débat avant de devenir ce qu'il est aujourd'hui.
L'auteure qui était journaliste au cours de la période 1974-1979 n'idéalise pourtant pas ce quotidien.
Elle rappelle une des premières dérives de ce journal : il y en de de plus égaux que d'autres :
- en 1978 des féministes s'en prennent au sexisme de Détective. Le ministre de l'intérieur décide après l'intervention de la ministre déléguée à la condition féminine : "interdiction de vente aux mineurs, de l'exposition et de l'affichage"
- Dans Libé Serge July reprend un des slogans de Mai 68 qu'il détourne: « il est interdit d'interdire, même aux féministes »;
- la réponse de Martine Storti n'aura droit qu'à une publication dans les pages Champ libre....

L'intérêt de ce livre c'est de rappeler aux anciens et aux anciennes les débats et controverses de l'époque et d'expliquer aux jeunes d'aujourd'hui comment s'est développé le féminisme et quel a été son apport.
Aujourd'hui, la parité est en construction, le viol est passible des assises et les hommes maltraitants sont poursuivis en justice;
Aujourd'hui tous les syndicats ouvriers se réclament du féminisme.
Ce fut un long combat difficile, semé d'embûches et le mouvement féministe s'est déchiré bien souvent, certaines se laissant aller à un relativisme de classe qui ressemble un peu au relativisme culturel d'aujourd'hui.
Aujourd'hui des "féministes" cautionnent par leur silence, l'enfermement sexiste de femmes sous le voile, considérant même certaines de ces femmes comme d'authentiques féministes.
Avant hier, des "révolutionnaires se taisaient , oubliant que des idéologies de la libération n'échappaient pas à une sorte de mépris du corps des femmes! :
"Les maîtres blancs violaient les esclaves noires et Eldridge Cleaver, leader des Panthères noires, décida de se "spécialiser dans le viol": "J'ai commencé par m'exercer sur les filles noires du ghetto, précise-t-il, puis j'ai franchi la barrière et je suis parti chasser le gibier blanc...Le viol est un acte insurrectionnel."

Il ne fallait pas utiliser la justice de classe contre les viols, disaient certaines...et notamment contre des travailleurs victimes du système !
Le mouvement féministe a fini par se porter partie civile contre les violeurs et à défendre les victimes quelle que soit l'identité de leurs bourreaux.
Le premier mai 1976, les gros bras de la CGT ont cogné les femmes voulant s'intégrer au cortège, n'hésitant à crier des « slogans » inqualifiables: « mal baisées! », « elles mouillent », « putains »...
Quelques années après, la centrale prenaient en compte certaines revendications féministes et réunissaient des commissions femmes.

Le livre se termine sur l'année 1979...
Alors que la loi Veil votée en 1974 devait être examinée en automne pour être éventuellement pérennisée, les menaces pesaient sur le droit à l'avortement. La droite mobilisait et les associations catholiques organisaient un lobbying très fort en direction des députés.
Une marche des femmes, impressionnante de plus de 50 000 personnes a pesé dans la décision prise par le parlement de reconduire la loi Veil.
Il ne s'agissait pas de défendre une loi mais d'aller plus loin et d'exiger un "avortement libre et remboursé"....

Jean-François Chalot