L'Olympe des infortunes
de Yasmina Khadra

critiqué par Septularisen, le 2 mars 2010
(Luxembourg - 56 ans)


La note:  étoiles
YASMINA KHADRA COMME VOUS NE L'AVEZ ENCORE JAMAIS LU!
L’Olympe des infortunes est un terrain vague (sorte de «cour des miracles») à la périphérie d’une ville, coincé entre une décharge et la mer.

Là vit un peuple de vagabonds, de clochards, de laissés-pour-compte qui se font appeler les Horr. Ils vivent, ou plutôt survivent, en marge de la société de consommation qu’ils considèrent comme mauvaise. Ils ont décidé de rejeter la ville, et ses valeurs matérielles, le travail, la famille et surtout l’argent qui représente pour eux le mal suprême.

Tous ce petit monde vit par affinités, certains protégeant les autres. Il y a tout d’abord Ach le Borgne surnommé «le musicien» parce qu’il joue du banjo et son protégé Junior le Simplet. Nous avons aussi Mama la vieille femme qui passe ses journées à s’occuper de Mimosa son compagnon toujours soûl. Mais aussi Haroum qui creuse sans cesse et sans but le sable, Bliss qui passe ses journées à élever des chiens et rejette tout contact avec ses semblables et enfin le Pacha véritable chef du lieu, autour de qui gravite toute une cour de personnages aussi obscurs qu’inquiétants et qui pour la plupart sont des soûlards…

Tout ce petit monde vit quasiment en autarcie, plus copains qu’amis, trouvant de quoi se vêtir et de quoi se nourrir dans les déchets de la décharge, buvant beaucoup, entre une dispute et une réconciliation, un départ et un retour, un décès et un heureux événement… Une étrange solidarité et un respect mutuel les lient entre eux, et chacun y trouve et reste à sa place.

Tout pourrait aller bien dans le meilleur des mondes, si un jour n’apparaissait pas dans le terrain vague Ben Adam, un mystérieux personnage, prêcheur religieux, une sorte de bon samaritain, qui vient leur expliquer qu’une autre vie existe, que l’espoir existe, qu’il est encore permis de rêver…

Ce livre se lit très facilement et en quelques heures, mais les personnages, bien que la plupart du temps très peu décrits et développés, sont si attachants que l’on en arrive à les regretter à la fin, très dramatique faut-il le dire.

Bien que les descriptions des paysages soient toujours là et bien là (la mer, le terrain vague…), il y a dans ce livre une prépondérance des dialogues. Khadra utilise ici des mots et des phrases riches et imagées, mais qui sont loin, très loin de l’habituel vocabulaire de l’écrivain algérien. Celui-ci n’hésitant pas en effet à mélanger ses habituelles envolées lyriques, avec des mots et des expressions d’argot le plus usuel...

Pas de doute à avoir, ce livre représente une véritable rupture avec toute son œuvre précédente. Le moins que l’on puisse dire c’est que Yasmina Khadra n’hésite pas à changer de registre, de style, à prendre des risques et a se renouveler dans ce livre.
Prenant son lecteur de court, il lui offre une sorte de fable philosophique, un conte moderne, décrivant une réalité sociale effrayante. C’est tout à son honneur et sans aucun doute la marque d’un grand, très grand écrivain.

Un livre qui sans doute surprendra les lecteurs habituels de Yasmina Khadra, mais qui rien que pour cela vaut la peine d’être lu…
Poésie dans un bidonville 9 étoiles


Que diriez-vous de passer un peu de temps dans un bidonville ? Vous y ferez la connaissance de personnages bien typés : Ach le borgne, Junior un gars un peu simplet, Négus maigre comme un clou et méchant comme un pou, Haroum et les milliers de morpions qui trainent dans son caleçon, le Pacha qui s’est autoproclamé roi du terrain vague, Ben Adam, la mémoire du temps, la Mama, etc …
Mais tout cela n’est-il pas un peu trop moral ? … Si ! (je fais question et réponse, là)
Néanmoins (comme dirait Cléopâtre), nous préférerons ces petites phrases joliment poétique déjà rencontrées chez Khadra.

Extraits :

- Semblable à une orange blette, le soleil perd de l’altitude tandis que les ombres s’allongent démesurément pour accueillir la nuit.

- Il a l’ouïe si affutée qu’il percevrait une araignée tisser sa toile.

- C’est vrai que l’orage a pété les plombs durant la nuit et que le vent a dépassé les bornes

- C’est bien d’être à cheval sur ses principes, mais il faut savoir mettre pied à terre de temps en temps.

Catinus - Liège - 72 ans - 15 décembre 2012


Le New York Times a raison 9 étoiles

« Khadra peut dire l’homme partout où il est » The New York Times

C’est tellement vrai. Avec beaucoup de pudeur, Khadra nous livre un récit contemporain et intemporel dans un lieu totalement improbable : une décharge publique entre la Ville et les flots bleus de la Mare Nostrum.

Je cherchais quel était le souvenir littéraire qui vibrait sous la lecture de ce livre et j’ai trouvé. C’est un peu du Samuel Beckett dans sa concision et dans le mystère que sous-tendent les dialogues chatoyants émaillant l’histoire. De mauvais esprits diront que c’est du Paul Coelho revisité. Je ne trouve pas, car le récit est senti, presque vécu, à fleur du dépotoir.

On retrouve à chaque page des entre-lignes fécondant la méditation. Le lieu est sordide et les personnages, mythiques. Le lecteur s’éprend assez vite du jeu social des personnages et vit avec eux des moments poignants. Khadra épouse sans vergogne la condition humaine de ces laissés-pour-compte ou de ces clochards illuminés totalement cernés par le rêve de liberté absolue. Ressort comme une fleur géante, étrange, belle et immortelle tout le ressenti humain dans sa beauté et sa souffrance. Tout à l’opposé de la plus grande fleur du monde, ce fameux Arum Titan, si spectaculaire.

Très beau conte philosophique à l’écriture rapide, ciselée, tendue.

Deashelle - Tervuren - 15 ans - 19 juillet 2011


Les âmes perdues 10 étoiles

Avec cette fable philosophique, Khadra dénonce avec talent la décadence de notre civilisation.
L’enfer n’est pas forcément où on l’attend ! Quelle humanité, quelle poésie et quelle sagesse chez tous ces blessés par la vie ! Que de douleurs englouties chez Ach « le musicien » qui sait faire chanter la lune !
A lire absolument...

Citations :
"Aucun homme n’a le droit de tourner le dos au monde. Son devoir est de faire face à l’adversité, de lui survivre, car le sacrifice suprême n’est pas d’offrir sa vie, mais de l’aimer malgré tout."

"Méfie toi de ce qui brille ; lorsque ça ne t’aveugle pas, ça te brûle !"

Extrait (page 23) :
Le soleil s’enlise inexorablement dans la mer. Il a beau s’agripper aux nuages, il ne parvient pas à empêcher la dégringolade. On voit bien qu’il déteste se prêter à cet exercice de mise en abîme, mais il n’y peut rien. Toute chose en ce monde a une fin et aucun règne n’échappe à son déclin.

Extrait (page 33) :
En vérité, Négus n’a pas renoncé à ses ambitions de dictateur. Depuis qu’il a trouvé ce casque rouillé sur la plage, il a recommencé avec ses fantasmes et passe le plus clair de son temps à former des bataillons imaginaires et à leur botter le cul dans la pestilence hallucinatoire des décharges publiques. Il avait même élevé un chiot au rang de caporal avant de le limoger pour insubordination caractérisée.

Fleur783 - - 71 ans - 4 juin 2011


déçue 5 étoiles

Avec ce conte philosophique fort loin du Khadra habituel , je n’ai pas retrouvé l’élan , la magie des mots, les idées fortes, rencontrés dans ses précédents romans ce qui m’a déçue et un peu déroutée ,l’histoire m’a paru sans grand intérêt et je ne me suis pas attachée aux personnages qui semblaient sans substance comme juste survolés . Déception donc face au nouveau style et genre de l’auteur

Elfe191 - - 68 ans - 2 novembre 2010


Khadra change de registre 8 étoiles

Appréciant particulièrement le style recherché de Khadra et ses intrigues toujours très rythmées, j'ai forcément été un peu déçu par ce livre; cela ne correspondait pas à ce que j'espérais.

C'est une histoire construite sur le dialogue et l'anecdote, dans un monde de clochards. N'hésitant pas à utiliser un vocabulaire simple, voire familier dans les paroles de ses personnages, à écourter des pronoms, Khadra prend le risque de délaisser le temps d'un roman son écriture si élégante. Il nous plonge littéralement le nez dans les ordures, sur une plage jonchée de troncs et de déchets. Néanmoins, on découvre des personnes livrées à elles-mêmes qui osent encore vivre la tête haute, sans penser à ce qu'elles étaient, ne voyant que l'avenir... nous remettant forcément en question, nous, lecteur. Un récit (un conte?) peu dynamique qui fait réfléchir posément à certaines questions dérangeantes.

PS: A ne pas manquer le magnifique monologue de Ben Adam lorsqu'il arrive parmi les clochards (Julliard, 2010, p. 143-144).

Le pingouin - - 34 ans - 28 mars 2010


Un conte philosophique 10 étoiles

A la périphérie d'une ville, dans un terrain vague jouxtant une décharge, vit une bande de marginaux et de clochards haut en couleurs. Il y a Ach, le borgne joueur de banjo et son ami Junior, simple d'esprit qui reste en admiration devant son mentor, le Pacha, sorte de roi de cette cour des miracles qui est effondré quand Pipo, son giton bien aimé le quitte, Négus, un être de petite taille, méchant comme une teigne qui se prend pour un grand stratège militaire, Haroun qui fait des trous dans le sable que chaque marée vient recouvrir et quelques autres du même acabit, tous laids, sales et souvent méchants, mais tellement vivants et humains. Un jour, Junior décide de rejoindre la ville dont personne jamais ne revient...
Une histoire simple, mais pas simpliste. Des personnages improbables, mais dérangeants. Un style épuré, mais agréable. Un très beau roman en forme de fable ou de conte philosophique, genre littéraire bien différent de ceux dans lesquels Khadra avait jusqu'ici excellé. Nous sommes loin en effet des romans policiers ou des drames contemporains sur fond d'actualité comme « L'attentat », « Les sirènes de Bagdad » et « Les hirondelles de Kaboul », les trois titres qui le rendirent célèbre. Il n'en demeure pas moins que le plaisir de lecture est tout aussi présent bien que d'un ordre différent. Un livre qui amuse et divertit tout en faisant réfléchir sur la culpabilité, le mensonge et surtout sur des rapports humains pas toujours basés sur l'amour ou la générosité.

CC.RIDER - - 65 ans - 13 mars 2010