Ici-même
de Jean-Claude Forest (Scénario), Jacques Tardi (Dessin)

critiqué par Nothingman, le 7 février 2010
(Marche-en- Famenne - 44 ans)


La note:  étoiles
Voyage en Absurdie
Etrange personnage que ce Monsieur Même. Tel un monarque déchu, il règne sur une terre dont il ne possède plus que les murs. à ce titre, il s'est érigé en portier de toutes les grilles et passages et fait monnayer leur ouverture. Davantage pour ennuyer les propriétaires des différents terrains qui selon lui, sont la cause de sa déchéance. Mais aussi pour financer un coûteux procès qui logiquement devrait lui faire récupérer ses terres et son honneur bafoué. En attendant , Monsieur même traverse le Pays clos en équilibre sur les murs, vivote dans sa petite maison, posée sur l'arête d'un mur. Sa vie sera un peu moins monotone quand il fera la connaissance de Julie, une jeune femme sans manière.
Ici-même est un bien curieux album de bandes dessinées, issu d'un cadavre exquis pour le magazine "A Suivre" entre Tardi sur un scénario de Jean-Claude Forest. Le résultat est à la fois surprenant, surréaliste et poétique. L'histoire de ce personnage étrange qui vit sur les murs attire évidemment son lot d'aventures surréalistes. Quant au dessin de Tardi, je l'ai trouvé ici très poétique, sachant s'adapter aux situations biscornues issues de l'imagination du scénariste. Une bien belle découverte!
Une affaire de murs 6 étoiles

L’histoire est aussi originale qu’absurde, bien servie par le trait talentueux de Tardi. Mais Forest, le scénariste, le précise : il ne faut pas chercher un sens politique à cette fable inquiétante, qui se veut avant tout un voyage dans l’imaginaire où toutes les extravagances, même les plus malsaines, sont permises… Oui car ce dernier se méfie des interprétations au profit d’une idéologie quelconque… Qu’on se le dise ! Malgré cela, on pourra sans trop prendre de risques, y voir un constat désabusé sur le pouvoir mais aussi une ode à la liberté, un appel à faire tomber tous les murs, quels qu’ils soient…

En ce qui me concerne, j’avais été vraiment scotché lors de ma première lecture. En effet, s’il est difficile de deviner où les auteurs veulent nous emmener, on reste intrigué par une histoire qui ne cesse de monter en puissance au fil des pages. Je fus moins enthousiaste les fois suivantes pour plusieurs raisons… Bien sûr, il n’y avait plus d’effet de surprise… Et l’ouvrage recèle une grande poésie mais tend parfois à se disperser dans des méandres quelque peu fastidieux… Ne serait-ce qu’à travers les dialogues où ces parenthèses placées à tout bout de champ sont assez agaçantes, plombent la lecture et n’apportent selon moi pas grand chose à l’histoire…Parce que comme souvent chez Tardi, le texte tient une place importante voire excessive, mais si l’on veut être indulgent, on pourra dire que c’est un parti pris… Dommage que ce cher Jacques semble avoir du mal à admettre qu’on lit ses BD davantage pour ses dessins (et l’intrigue qui les accompagne) que pour ses textes… est-ce là un excès de modestie ou une frustration liée au fait de n’avoir pas été (aussi) romancier ? Cela ne remet pas en cause les qualités indéniables d’ « Ici Même », heureusement…

Blue Boy - Saint-Denis - - ans - 28 octobre 2010


Pour le moins surréaliste ! 8 étoiles

J'ai eu la chance de tomber sur une édition de 1983 de ce livre chez un brocanteur. Comme il était dans un état plus que fatigué, une très gentille amie (de critlib d'ailleurs) qui fait de la reliure me l'a remis quasi à neuf !

J'ai adoré ! L'absurde poussé dans ses derniers retranchements c'est colossal ! Et puis, j'adore aussi les dessins de Tardi et le langage "Hononpadutou", "Hobinhoui". La maison à une seule pièce, les appels téléphoniques à une mère décédée depuis longtemps parce qu'il a envie de parler, les toilettes dehors tenant en place sur le mitoyen un rien plus loin que la maison, aussi sur le mitoyen, l'épicier venant l'approvisionner en bateau et lui qui se lave et se rase dans la rivière vu qu'il n'a ni eau ni électricité...

Tout ici est colossal !

Jules - Bruxelles - 79 ans - 24 février 2010