Celles qu'on prend dans ses bras
de Henry de Montherlant

critiqué par Jules, le 6 janvier 2002
(Bruxelles - 79 ans)


La note:  étoiles
Comme toujours, une langue superbe
Cette pièce a été écrite par Montherlant en 1950. Elle est très différente de ses pièces précédentes comme « Le Maître de Santiago », « La Reine morte » ou « Port Royal »
Au premier abord, nous pourrions croire qu’il s'agit ici d’un sujet léger. Il l'est par rapport aux précédents, mais il ne l’est pas dans l'analyse des rapports humains entre hommes et femmes.
Il n'y a véritablement que trois personnages dans cette pièce : Ravier, Mademoiselle Andriot et Christine Villancy. Les deux autres ne font que de minuscules apparitions.
Ravier est un très grands antiquaires parisiens de cinquante huit ans. Mademoiselle Andriot, soixante ans, est sa fidèle collaboratrice, cultivée et indispensable. Christine Villancy, provinciale, nouvelle à Paris, n'a que dix huit ans et se dit décoratrice.
Dès la première scène, nous comprenons le gouffre qui sépare Ravier de Christine. Il se déclare plein d’argent, au point que celui-ci l’ennuie, rempli de relations dans tous les domaines, et veut mettre tout cela aux pieds de Christine. Celle-ci n’a pas caché qu'elle était d’origine plutôt modeste et qu'elle ne manquait pas de soucis d’argent. Alors Ravier l'a payée beaucoup trop cher que la normale pour une prestation précédente. Dans cette scène, il lui en commande une nouvelle et elle le prie de ne plus la payer autant. Elle ne veut rien lui devoir…
Christine veut se garder pure et sans tâches, alors que Ravier ne rêve que de se l'attacher. Il est habitué aux succès féminins et aux maîtresses, mais a également l’habitude de payer pour cela. Il s’était accommodé de ce genre de rapports jusqu’ici, les trouvant très pratiques. La résistance de Christine ne fera que le rendre de plus en plus fou !
Mademoiselle Andriot se propose de l'aider à conquérir cette belle, convaincue qu’une fois que celle-ci aura cédé, Ravier s’en lassera aussitôt. Mais nous verrons bien vite que Mademoiselle Andriot a des sentiments pour Ravier qui ne sont pas tout à fait ceux d’une simple collaboratrice…
Mais voilà, elle a soixante ans et pas dix huit !… Alors, elle va se ramasser une réplique aussi dure que celle-ci : «
- Quelle est cette extravagance ? Tout ce féminin qui remonte en vous . » Elle lui répond qu'elle est sensible et qu'elle ne comprend pas pourquoi elle ne peut pas le manifester vis à vis de lui, elle qui est son « amie » depuis des années. Et ce sera une nouvelle claque quand Ravier lui dira : «
- Il y a tout un monde à qui je parle le langage de la passion. Puis tout un monde à qui je ne le parle pas. Ce monde à qui je ne le parle pas, c'est le vôtre. » Et la plus dure viendra quand il la classera dans un certain type de femmes : « Ah ! j’aurais dû m’en douter. Les plus dangereuses de toutes : celles qu’on ne prend pas dans ses bras. »
Il est cependant évident que Ravier se morfond pour rien, il n’a aucun espoir avec Christine… Quoique.. Mais tout dépend ce que l'on veut vraiment et si l’apparence peut suffire..
Une bonne pièce, mais pas un chef-d’oeuvre. La langue reste cependant toujours aussi belle !