Alésia et les ruses de César
de Jérome Carcopino

critiqué par Saint Jean-Baptiste, le 8 décembre 2009
(Ottignies - 88 ans)


La note:  étoiles
La partie d'échec entre Jules César et Vercingétorix
Voila un petit livre particulièrement réjouissant pour qui s’intéresse aux à-côtés de la grande Histoire.
Il s’agit de savoir comment Vercingétorix s’est laissé enfermer « volontairement » à Alésia.
Mais d’abord, il s’agit de localiser Alésia.
C’est un sujet de controverse entre les historiens depuis toujours. Beaucoup d’historiens placent Alésia à Alaise dans le Doubs. D’autres le placent ailleurs. Mais pour Carcopino, ça ne fait aucun doute : Alésia est bien aux abords d’Alise-Sainte-Reine, sur le mont Auxois, en Côte-d’Or.

Ce qui est amusant c’est de voir comment Carcopino reprend les arguments de ses contradicteurs et avec quelle subtilité il les contredit. Il argumente avec une verve qui nous rappelle ce qu’est « l’esprit français » dans ce qu’il a de plus raffiné.
Il parle de « la dérisoire méprise » de ces historiens et il fait semblant de s’indigner que les étrangers s’amusent à railler leur thèse « qui serait une preuve de plus de la fantaisie et de la légèreté françaises. »

Mais qu’on ne s’y trompe pas ! Nous sommes dans un monde d’érudits qui se connaissent et qui s’estiment ; le principal contradicteur de Carcopino était Georges Colomb ; ils avaient fréquenté les mêmes écoles et Georges Colomb enseignait l’Histoire à la Sorbonne aux enfants de Carcopino.

Jérôme Carcopino est un admirateur inconditionnel de Jules César et c’est un autre sujet de controverse.
D’après lui, Vercingétorix est un des plus grands stratèges de tous les temps ; mais il aurait été piégé par son adversaire, qui était encore plus malin que lui.
Il nous raconte « les ruses de César » à la manière d’une partie d’échec entre Karpov et Kasparov. C’est vraiment passionnant !

Cette critique est de nouveau beaucoup trop longue ! Mais il me semble important d’ajouter que, avec Carcopino, on réalise à quel point l’Histoire est une science, une science – quasi – exacte.

Un seul exemple :
Quand Carcopino voit dans les Commentaires de Jules César les mots « in diem » il sursaute. Ça voudrait dire que le lieutenant Labienus qui se trouvait à Sens, aurait rejoint César, qui était à Autun, en un jour. C’est évidemment impossible ! Ça voudrait dire que César s’est trompé dans ses Commentaires. Pour Carcopino, rien que d’y penser, serait un crime ! Ça pourrait aussi dire qu’il faudrait placer Alésia 150 km plus au nord... C’est impossible !
Alors notre historien va fouiller dans toutes les copies des Commentaires de Jules César. Puis il va fouiller dans les Acta Senatus et découvre une copie qui dit « in diem iii » Ce qui veut dire en trois jours. Les copistes avaient mal recopié, ils n’avaient pas compris !

Ce n’est qu’un exemple entre mille qui nous montre à quel point Carcopino est un historien consciencieux ; c’est un vrai scientifique. Il se double d’un écrivain merveilleux et ses livres, très fouillés, se lisent – à peu de choses près - comme des romans.

Voila donc un récit très spécialisé. Il brode autour d’un des événements les plus importants de notre Histoire : la défaite d’Alésia. C’est, pour certains historiens, la plus grande catastrophe de tous les temps ; la fin d’une des plus grandes civilisations du monde, la civilisation celte.
Pour d’autres, comme Carcopino, c’est l’événement le plus heureux de notre Histoire puisque Alésia marque l’avènement de la merveilleuse civilisation gréco-romaine qui est celle de notre Europe d’aujourd’hui.

Ce sera aux lecteurs d’en juger.