Le vent Paraclet
de Michel Tournier

critiqué par CC.RIDER, le 5 décembre 2009
( - 66 ans)


La note:  étoiles
Autobiographie philosophique et littéraire
Le sujet de cet essai n'est autre que Michel Tournier lui-même, sa vie, son oeuvre, son parcours philosophique. Né à Paris de parents qui se rencontrèrent à la Sorbonne alors qu'ils étaient étudiants, il passa sa jeunesse à Saint-Germain-en-Laye et à Neuilly-sur-Seine dans un milieu aisé. Son éducation fut marquée par la culture allemande. Plus tard, il découvrit la pensée de Novalis et de Gaston Bachelard. Il poursuivit des études de philosophie à la Sorbonne et à l'université de Tübingen juste après la guerre. Il souhaitait enseigner la philosophie, mais ayant échoué à l'agrégation, il entra à Radio France puis il travailla dans la publicité pour Europe 1. Il collabora également à des journaux comme Le Monde et Le Figaro. De 1956 à 1968, il travailla chez Plon à des traductions de l'allemand avant de publier son premier roman « Vendredi ou les limbes du Pacifique ».
C'est ce qu'il nous raconte dans trois des six parties de ce texte, les trois autres étant plutôt consacrées à ses choix intellectuels et ses intérêts philosophiques. Tournier se veut à la fois penseur athée et théoricien littéraire. « Mon propos n'est pas d'innover dans la forme, mais de faire passer dans une forme aussi traditionnelle, préservée et rassurante que possible une matière ne possédant aucune de ces qualités » dit-il. Couvert de gloire et d'honneurs en son temps (Prix du Roman de l'Académie Française, Prix Goncourt pour le « Roi des Aulnes », puis membre de l'Académie Goncourt), Tournier écrivit plus d'essais que de romans. Celui-ci, publié en 1974, se lit encore avec intérêt surtout si l'on s'intéresse au parcours si particulier de cet écrivain.
Autobiographie littéraire 10 étoiles

Comme il est justement dit au verso de l'édition poche, ce livre est essentiel pour bien comprendre Tournier : l'homme et son oeuvre. Qui sont parfois indissociables ("Le Roi des Aulnes" n'est pas autobiographique, mais un petit peu quand même, dans d'infimes détails).
Dans cet essai qui tient autant de l'autobiographie que de la discussion sur l'art d'écrire et sur les différents romans (trois au moment, en 1977, de la sortie de ce livre) de Tournier, on en apprend sur l'enfance bourguignonne de Tournier, sur son amour de l'Allemagne et de la langue allemande (ses deux parent l'étudiaient), sur ses obsessions, sur sa vie professionnelle...
Une page raconte comment Tournier, pas encore connu, alors juste traducteur de romans allemands, a rencontré Erich Maria Remarque, l'auteur de "A l'Ouest rien de nouveau", dont il avait alors traduit un de ses romans. La rencontre se passe curieusement, Remarque dit à Tournier qu'il n'a pas totalement traduit son roman, ayant omis de traduire une page ou deux, mais les ayant remplacées par une page ou deux ne figurant pas dans le roman original. Sourire gêné de Tournier, qui répond quand même, crétinement (comme il le reconnaît), "mais n'est-ce pas mieux ainsi ?"... L'insolence de la jeunesse...

A la base, "Le Vent Paraclet" (le souffle métaphysique, divin, de l'inspiration) était le titre que Tournier devait donner à son roman de 75, "Les Météores", dont il parle ici via un chapitre très intéressant. Mais les plus intéressants sont les trois premiers (qui totalisent les deux tiers du livre), sur son enfance, sur (son rapport à) l'Allemagne et "Le Roi des Aulnes", et sur la dimension mythologique.
Se lisant comme une conversation ou comme un roman, c'est une des plus belles oeuvres de l'auteur de "Vendredi...", à lire absolument.

Bookivore - MENUCOURT - 41 ans - 11 juillet 2021