Histoire de mes assassins
de Tarun J. Tejpal

critiqué par Tanneguy, le 5 décembre 2009
(Paris - 84 ans)


La note:  étoiles
Par l'auteur de "Loin de Chandigarh"
Ce nouveau roman de Tarun J Tejpal devrait avoir le même succès que le premier paru en France. Il combine une intrigue policière bien construite avec une description précise de la société indienne contemporaine qui n'est pas dénuée d'humour...

Le héros de ce long roman, de près de 600 pages, est un journaliste renommé qui connaît quelques ennuis après avoir relaté une sombre affaire de corruption impliquant le gouvernement au plus haut niveau : il échappe à un attentat, sans s'en apercevoir et ses cinq agresseurs sont promptement mis sous les verrous en attendant leur jugement. Personne n'est capable de lui expliquer les raisons de cette agression et il ne fait la connaissance des "assassins" que lorsqu'ils sont présentés au tribunal.

On ne connaitra le fin mot de l'histoire qu'à la toute fin du roman, mais entre temps la vie de chacun des cinq agresseurs sera longuement analysée, ce qui permet à un lecteur occidental de pénétrer dans une société indienne méconnue, ou plutôt dans de nombreuses facettes de celle-ci. Milieu rural, taudis urbains, rivalités entre castes, entre religions, intellectuels et illettrés... Dépaysement garanti...

Une lecture très agréable, parfois passionnante !
Roman plaidoirie 7 étoiles

A Delhi, un journaliste politique apprend qu’il a échappé à une tentative d’assassinat, et que les cinq meurtriers présumés ont été arrêtés. Sans qu’il ait le temps de comprendre ce qui lui arrive, l’homme se retrouve sous protection policière, en attendant la confrontation au tribunal entre ces cinq hommes et leur victime, qui est aussi le narrateur de cette histoire et pourrait très bien être l’auteur lui-même.

Le portrait de chacun des tueurs est alors dressé, et prend la forme d’une plaidoirie expliquant d’où il vient et pourquoi il ne pouvait devenir autre chose qu’un malfrat. Car chacun de ces hommes est issu des bas-fonds de l’Inde, et n’a connu que la débrouille, la violence, la survie qui n’est possible qu’en intégrant un gang…

La victime se fait alors défenseur de ses bourreaux, et cet attentat manqué montre petit à petit que ce sont six victimes et non cinq qui se retrouvent face à face au tribunal. Victimes d’un pays aux multiples fractures, aux inégalités terrifiantes, où il est parfois difficile de savoir qui l’on est.

Même si j’ai préféré le très sensuel « Loin de Chandigarh », c’est avec plaisir que j’ai retrouvé Tarun J. Tejpal, dans ce portrait sans concession du pays qui est le sien. Et qui pose des questions dérangeantes telle que la légitimité d’une société à juger des hommes qui commettent des actes délictueux, quand ladite société ne leur a jamais donné la moindre chance d’échapper à la misère et à la violence. Quand le système qui prétend juger est lui-même gangréné par la corruption.
Je n’ai regretté que la conclusion de ce livre, sous forme de happy-end matrimonial qui place l’épouse du héros, ombre fugitive dans tout le récit, sur le même plan que son chien fidèle. Même si ce dénouement a un sens dans l’histoire, il m’a quelque peu déçue. Mon côté féministe sans doute…

Aliénor - - 56 ans - 9 septembre 2011


Voyage au pays de la non-violence 9 étoiles

Visite dans le berceau de la non-violence : sans doute Gandhi a-t-il été un antidote passager… pour calmer les passions de ce pays surpeuplé. Car nous voici plongés au sein même de l’horreur. Histoires de trains, de gares, de serpents, de villages incendiés, de viols atroces, de raffinement dans les supplices et les vengeances, de drogue pour oublier. Un cercle de mort, fermé. Aucune valeur en cours, sauf celles, absolues, du pouvoir, du sexe, de l’argent dans cette jungle humaine. Autant dire, rien d’éternel, rien de serein, le mal est fiché au cœur des hommes, les femmes méprisées, sauf une, qui recherche frénétiquement et seule ce que l’on veut taire. Seul espoir ? L’humanité n’a pas cours, les sévices sexuels et meurtriers paroxystiques avec pour cause les haines religieuses, l’inégalité persistante des castes, la misère profonde, la corruption à tous les niveaux, les couloirs kafkaïens du pouvoir. Ce terreau de misère engendre des monstres assassins, un dépotoir moral de l’humanité est mis à découvert. On irait presque sympathiser avec le pire des brigands, devenu Robin des Bois. N’est-ce pas le bien des pauvres qui importe ?
Ce n’est pas une lecture agréable que de se pencher sur un cloaque goût Orwell et Kafka, car ce livre écœure au travers de ses 600 pages, mais on y cherche désespérément des fibres de vie ou de sagesse tout en captant de plein fouet ces réalités qui n’ont rien de romanesque. Fresque saisissante qui donne l’épouvante, images d’apocalypse aux antipodes de celles des voyages de tourisme bien pensant. Les choses ne sont jamais ce qu’elles semblent être. Il faut avoir le courage de dire, l’auteur n’hésite pas. Le style est fort alerte. Combien de pages faudra-t-il écrire pour que les choses changent ?

Deashelle - Tervuren - 15 ans - 8 mai 2010


Un écrivain majeur 9 étoiles

De nos jours, en Inde, à Delhi, un journaliste, responsable d'un hebdomadaire en perte de vitesse, apprend par la radio qu'il a échappé à une tentative d'assassinat de la part de cinq voyous qui viennent d'être arrêtés. Il en ignore la raison : lui reproche-t-on d'avoir soulevé le problème de la corruption du gouvernement de son pays ? Est-il la cible du terrible ISI, les services secrets pakistanais ? Il bénéficie immédiatement d'une protection policière et en apprend un peu plus sur ses assassins. Il y a Chaku, l'as du couteau, Kabir le musulman que le père a essayé de rendre inaccessible à la haine des hindous et qui se retrouve détesté par les deux camps, Kalya et Chini, les deux enfants abandonnés de la gare centrale qui vivent de petits trafics et surtout Hathoda Tyagi, le demeuré qui tue les gens en leur éclatant la tête à coups de marteau...
Un long roman (590 pages) foisonnant comme une saga qui nous plonge dans l'univers si particulier des bas-fonds de l'Inde contemporaine. La misère, la violence et l'injustice y sont partout la règle. La corruption gangrène la société à tous les niveaux. Le système des castes et les problèmes inextricables de la cohabitation religieuse entre hindouistes et musulmans n'arrangent pas les choses. Un livre magistral, passionnant, dans la lignée de ceux de Tom Wolfe par exemple, bien meilleur que « Loin de Chandigar ». Si Tejpal a su s'émanciper de ses obsessions sexuelles c'est pour nous plonger carrément dans l'horreur et le sadisme au quotidien. Un écrivain majeur. Une réalité qu'on ne peut s'imaginer ici.

CC.RIDER - - 66 ans - 23 décembre 2009