La Lumière et l'Oubli
de Serge Mestre

critiqué par La cigale, le 6 novembre 2009
( - 31 ans)


La note:  étoiles
L'oubli de la lumière.
En Espagne franquiste, les douloureux chemins de deux adolescentes se croisent. Une fois adultes, c'est ensemble qu'elles vont retrouver la mémoire des souffrances passées. Elles ont grandi avec de terribles secrets, avec les insultes et les vices des religieuses, avec la cruauté de la phalange et du caudillo, avec la certitude de n'être rien d'autre qu'un morceau de chair sur lequel on se défoule. Comment ont-elles pu oublier?

Serge Mestre choisit de nous plonger directement dans l'action. Il nous fait vivre le quotidien de contestataires risquant leur vie pour s'opposer au caudillo, avec dureté, et en respectant la réalité historique, pour éviter que l'Espagne franquiste ne tombe dans l'oubli.
Ce qui est particulièrement réussi ici, ce sont les rétrospections, les retours vers le présent et replongée dans le souvenir des deux fugitives.
Vertigineux, mais parfaitement agencé.
L'auteur nous prouve d'ailleurs son sens de l'organisation et de la chronologie tout au long du roman.
Dans la lumière et l'oubli, beaucoup de personnages évoluent, se retirent, reviennent, apparaissent en un ballet incessant qui peut être difficile à suivre. Il faut attendre la dernière page pour que tout ces morceaux du même puzzle s'emboitent et nous éclairent sur le rôle de chacun dans la vie d'Esther et Julia, ces adolescentes meurtries.

Le début de l'histoire n'est pas vraiment passionnant. Il sert surtout à mettre en place la trame de l'histoire. C'est seulement après avoir fini de lire le roman que son début prend tout son sens et qu'il s'éclaire d'un nouveau jour. Il devient intéressant de le relire.
Durant toute l'histoire, par la suite, le lecteur est submergé par la cruauté des hommes politiques, militaires et religieux de cette période de l'histoire. Et pas seulement en Espagne puisqu'une bonne partie de le vie d'Esther et Julia se déroule en France. Ici, il n'est pas question de sourire ou de se détendre: le lecteur est sur des charbons ardents. Le double tranchant de la lumière est qu'elle est douloureuse pour les yeux restés fermés jusqu'à présent.

Après nous avoir arrachés à notre vie paisible pour nous propulser sous le régime de Franco dans le quotidien des rouges et des oubliés, Serge Mestre réunit tous les fantômes de deux martyres à sa table. Et finalement c'est un banquet de chairs et de cœurs à vif qu'il nous sert relevé d'humour noir. Mais il sait nous faire éviter l'indigestion et en dessert nous délecte d'une fin plus douce.
Une chose est sûre, la lumière et l'oubli, on n'est pas prêt de l'oublier!