La Dynamique du capitalisme
de Fernand Braudel

critiqué par Farfalone, le 6 novembre 2009
(Annecy - 55 ans)


La note:  étoiles
Sous les vagues.
La dynamique du capitalisme
Fernand Braudel.

"La meilleure raison de se servir du mot CAPITALISME...c'est qu'on n'en a pas trouvé d'autre..."

Résumer de façon claire et forcément exaustive la matière de trois ouvrages (qui à l'époque sont encore à paraître, parution en 1979 sous le titre global de:"Civilisation matérielle, économie et capitalisme (XVe-XVIIIe siècles), Paris, Armand Colin, 3 volumes, 1979." est une gageure que réussit Braudel dans ce livre de 121 pages.

Pourquoi l' avoir initulé "Dynamique" du capitalisme? Parce que et c'est toute la démonstration de Braudel, le capitalisme est un "mouvement" engendré par les hommes, qui a su profiter du développement de l'économie de marché pour la dominer presqe entièrement, et qui est vécu, perçu comme un système.

Ce système économique vivant SUR le marché été élaboré principalement "contre". Contre l'ordre médiéval en Europe, et contre l'Etat Royal en France qui a résisté longtemps à ses tentatives de mainmise sur l'économie. Le début de son hégémonie correspond au Mouvement des Lumières -Lumières Ecossaises notamment- qui lui a donné son assise politique sous la forme du Libéralisme. Il a été élaboré également contre les solidarités reconnues par les usages qui permettaient aux peuples de borner la toute-puissance des grands, et qui permettaient à ceux-ci de maintenir un ordre sans lequel il leur était impossible de dominer.

Ce système n'aurait pu exister par exemple en Afrique où n'existaient pas de marchés solvables ou suffisamment élaborés, en Chine où la mainmise de l'Etat sur l'économique visait à empêcher l'accumulation du capital entre des mains privées, ou en Inde encore médiévale à l'établissement de la domination anglaise et essentiellement villageoise, où les surplus ruraux sont également captés par l'Etat.

Sa condition première, sa praxis est toute entière résumée en un mot: violence. Car il est fondé sur l'inégalité, inégalité du monde, et inégalités sociales. Il nécessite en effet l'exploitation du travail des uns -soit dans un premier temps en établissant des rapports de force défavorables aux producteurs et en spéculant sur la demande, et dans un deuxième temps par l'exploitation directe du travail- pour l'accumulation de la richesse par les autres, une minorité.

Mais il a permis le démarrage économique de l'Europe, par sa créativité, sa mainmise progressive sur tous les types de marchés (à commencer par celui du luxe qui a justifié le "commerce à la Chine", commerce au large) et l'invention du crédit et progressivement de la société anonyme, élément indispensable (entre autres) au partage des risques. Il a investi les routes mises en place immémorialement par les marchands notamment arabes, route des épices, de la soie, etc...et a fini par supplanter le reste du monde grâce à la technique notamment de la navigation, et du crédit.

Ce livre est le texte de trois conférences faites à l'Université John Hopkins, aux Etats-Unis en 1976, ces trois conférences recouvrant ce que seront les trois volumes de l'ouvrage définitif. Excellente introduction à la pensée de Braudel qui privilégiait, sous les vagues de l'histoire évènementielle, la vague de fond du temps long, il se lit, ou plutôt s'écoute comme une causerie au coin du feu.

"Les structures du quotidien" étudie la vie matérielle des hommes, plutôt subie qu'agie, une "histoire obscure hors de la conscience des hommes" parallèlement à laquelle se crée un premier marché solvable et organisé: celui des produits de luxe, soie, épices, etc...

Dans "Les jeux de l'échange", Braudel aborde ce qui relève de l'échange et affirme que le capitalisme n'est pas l'économie de marché. Il existe à l'époque de ses débuts deux sortes d'économie de marché, l'une règlementée et transparente "public market", l'autre "private market" développe la pratique des achats hors marché réglementé et le commerce lointain.

"Le Temps du monde" enfin nous rappelle que le capitalisme est une création de l'inégalité du monde (I. Wallerstein) et nous décrit les mécanismes de l'"Economie-Monde", avec ses centres successifs depuis Rome et Alexandrie, Venise et Gênes jusqu'à New-York, ses périphéries et ses marges. Il décrit également la genèse et l'importance de la révolution industrielle anglaise dans le développement du capitalisme moderne.


"L'histoire dite économique n'est pas l'"histoire noble" (p 10), mais elle est "l'histoire entière des hommes, regardée d'un certain point de vue". Et ce point de vue est celui qui se porte sur ce qui conditionne de plus en plus nos existences: l'économique.