De l'esprit chez les abrutis
de Aleksandar Hemon

critiqué par Grégoire M, le 2 octobre 2009
(Grenoble - 49 ans)


La note:  étoiles
Une vie dans les errements de l’histoire yougoslave.
Le livre d’Aleksandar Hemon est décousu et éparpillé; on y retrouvera en vrac:
- une série de courts chapitres retraçant des souvenirs de vacances sur une île de la mer Adriatique,
- une série incongrue de sentences absurdes retraçant la vie d’un énigmatique Alphonse Kauders,
- le regard d’un enfant sur son père, croisé de manière virtuose à la biographie d’un espion communiste via des renvois en bas de page, et l’intrusion abrupte de la réalité de la dictature dans ce monde enfantin,
- le récit irrévérencieux de l’assassinat de l’archiduc François Ferdinand à Sarajevo,
- celui de l’histoire familiale, plus ou moins véridique, lors de la préparation d’un banquet aux accents Kusturiciens,
- le récit épistolaire, atroce et absurde, du siège de Sarajevo,
- la vie en pente d’un exilé aux USA de plus en plus étranger à lui-même.

Cette déconstruction fait la réussite du livre parce qu'elle fait s’entrechoquer le léger et le grave, le drôle et le tragique, l’insouciance et la peur à l’image d’une vie malmenée par l’histoire.
Aleksandar Hemon excelle à faire revivre le monde de l’enfance. Il met beaucoup d’humour dans l’élaboration de l’histoire familiale en y retraçant au passage celle des pays de l’est. Dans le dernier tiers du livre, après le paroxysme dramatique du siège de Sarajevo, l’auteur retrace les errements dépressifs d’un exilé aux USA. On y quitte curieusement le récit à la première personne pour suivre un personnage que l’on image pourtant largement autobiographique et le récit perd un peu de son intensité même si là aussi on pourrait y voire un rapprochement avec cette vie qui se désagrège.