Les stores rouges : Au coeur de l'infiltration et de l'arrestation d'Action directe (1979-1982)
de Jean-Pierre Pochon

critiqué par NQuint, le 15 septembre 2009
(Charbonnieres les Bains - 52 ans)


La note:  étoiles
Barbouzeries, pouvoir politique, aveuglement idéologique et Action Directe
Comme tout français, j'ai dans ma mémoire personnelle, hérité de la mémoire collective, la "saga Action Directe". Mais j'étais un petit garçon à l'époque et mes souvenirs sont flous. Ce livre m'a appris pas mal de choses sur cette histoire et plutôt dans le style crapoteux ...
Le livre est écrit par l'ancien patron de la DST qui officiait à l'époque de la 1ère affaire Action Directe (AD). Première ? Eh oui, car il y a eu deux temps ... le livre ne racontant que le premier. Ce livre est un très beau récit qui retrace l'enquête qui a mené à l'arrestation d'AD en septembre 1980. AD qui n'était alors "qu'un" groupuscule violent, avec des idées extrêmes et une volonté manifeste de passer à l'action. Dès lors, une telle action fut un réel succès des renseignements puisqu'elle permit l'arrestation avant que de vrais dégâts soient commis ... oui mais ... la gauche arriva au pouvoir en 1981 et pour des raisons purement idéologiques, amnistia l'ensemble des mouvements d'extrême gauche dont AD. Les renseignements, eux, furent priés de regarder ailleurs sous le prétexte que ces mouvements ne représentaient aucun danger. Par contre, on les incita très fortement à suivre de près les groupuscules néonazis et d'extrême-droit qui, eux, étaient réellement inexistants. Toutes les remontées des renseignements sur le vrai danger de l'extrême gauche ont été délibérément ignorées, provoquant l'écoeurement de l'auteur du livre et sa démission. Pire, l'informateur infiltré qui a permis l'arrestation d'AD a été tué en 1982. Qui l'a balancé ? La question reste ouverte mais toutes les théories ne peuvent que ramener à une vengeance d'AD renseigné par ... le pouvoir ? C'est en hommage à cet informateur que l'auteur dédie ce livre.
La suite de l'histoire ? Elle n'est pas dans le livre mais appartient à l'histoire : la dérive d'AD, les meurtres du Général Audran et de Georges Besse, leur traque, leur arrestation, les années de QHS et maintenant leur libération. Un vrai gâchis.
Le mérite de ce livre est donc de nous plonger dans les rapports troubles entre renseignements, police politique et pouvoir avec l'instrumentalisation associée (cf récemment affaire de Tarnac : comment démêler le faux du vrai ?) mais aussi dans un certain aveuglement idéologique de la gauche dans les années 80 (dont elle est sortie, je pense, depuis).
Mais c'est aussi une peinture passionnante de la France des années 70/80, des méthodes policières (les planques !), du renseignement (les infiltrations !) et aussi du paysage politique de ces années-là (la nébuleuse d'extrême-gauche dont AD est la déclinaison française presque soft des Brigades Rouges italiennes et de la RAF allemande)