René Lévesque, une vie, une nation
de Marguerite Paulin

critiqué par Dirlandaise, le 15 août 2009
(Québec - 68 ans)


La note:  étoiles
Un libérateur de peuple
René Lévesque est un homme brisé. Son rêve de faire l’indépendance du Québec à l’aide de moyens démocratiques s’est effondré avec l’échec référendaire de 1980 où la population a voté non à près de cinquante-neuf pour cent. Puis, l’année suivante, c’est le coup de grâce asséné par Pierre-Elliot Trudeau, premier ministre du Canada avec le rapatriement de la constitution où le Québec perd tout : son droit de veto en plus de son droit de retrait avec compensation financière. Lévesque a joué toutes ses cartes et a perdu. Il est un homme déchu, amer et désabusé. Il continue à lutter mais il ne sera jamais plus le même.

Marguerite Paulin, docteure ès arts et chargée de cours à l’Université McGill, signe ici une excellente biographie du grand homme politique québécois que fut René Lévesque. Il y a l’enfance à New Carlisle, le père avocat, les années d’étude afin de devenir avocat comme son père, leur abandon pour s’enrôler dans l’armée américaine comme correspondant de guerre en mai 1944 et, à vingt-quatre ans, faire partie du douzième groupe des armées du général Omar Bradley et ensuite faire équipe avec le légendaire Patton. Son retour et son installation à Montréal afin de travailler à Radio-Canada, son mariage, son départ pour la Corée comme correspondant de guerre encore une fois. Retour au pays et arrivée de la télévision. René Lévesque anime « Point de mire », une émission de vulgarisation de la politique internationale, son domaine de prédilection. Entrée en politique avec l’équipe de Jean Lesage du parti libéral. Il accède alors au poste de ministre des Ressources hydrauliques et des Travaux publics. Ses grands dossiers : la gestion des ressources naturelles du Québec et la nationalisation d’Hydro Québec. Son travail ensuite comme ministre de la famille et du Bien-être social. Son départ du parti libéral pour fonder son propre parti politique, le Parti Québécois, avec pour objectif de réaliser l’indépendance du Québec à l’aide de moyens démocratiques. La Crise d’Octobre qui aura comme conséquences le départ de dix mille membres au PQ. L’élection du PQ en novembre 1976 qui fera de René Lévesque le premier ministre de la province. L’échec référendaire de 1980. La trahison de Claude Morin, un ministre du PQ et grand ami de René, qui espionne pour le compte de la Gendarmerie Royale du Canada, le rapatriement de la constitution canadienne et finalement, la mort à soixante-cinq ans en novembre 1987.

Je connais par cœur tous ces événements de la vie politique québécoise de l’époque mais je ne me lasse jamais de lire et relire ces moments passionnants de l’histoire de notre beau pays. Chaque livre m’apprend quelque chose de nouveau. Dans celui-ci, j’ai beaucoup appris sur la vie politique de René Lévesque mais aussi sur sa vie privée comme le fait qu’il était un excellent joueur de poker, passion qui lui a été transmise par sa grand-mère et qui ne l’a jamais quitté. Le livre a le mérite d’être concis et de se lire en quelques heures seulement. Il constitue un excellent ouvrage pour qui veut connaître le grand homme que fut René Lévesque mais pour approfondir le sujet, il vaut mieux se tourner vers des livres plus volumineux car dans celui-ci, c’est plutôt un survol et rien n’y est sérieusement approfondi. Mais la construction et la documentation sont impeccables ce qui en fait un ouvrage de grande qualité. Une lecture passionnante !

« Se souvenant de son enfance, René Lévesque compare les inégalités sociales des francophones à celles que subissaient alors les Noirs de Rhodésie, « nous étions des colonisés : les bonnes écoles, les belles villas, toute l’opulence était aux mains de ceux qui s’identifiaient aux vainqueurs de la Conquête » ».

« Hanté par ce qu’il a vu à Dachau, emporté par un idéal de démocratie, Lévesque ne se fait pas d’illusion sur le sens du mot « humanité ». De cette époque naît sa répulsion pour l’extrémisme qui l’amène à chercher la mesure en tout. Après avoir vu les camps de la mort, Lévesque croit que le rôle d’un journaliste est d’éveiller les consciences. C’est ce métier qu’il veut faire désormais. »

« Le Québec est millionnaire, dit-il en allumant une autre cigarette, mais il ne retire de sa richesse qu’une participation de gueux. » (René Lévesque)

« Il est inconcevable que 95% de la population du Québec ne contrôle que 10% de son économie ». (René Lévesque)

« Quand j’étais journaliste, j’ai parcouru le pays de l’Atlantique au Pacifique ; je connais trop le Canada, je ne m’y suis jamais senti chez moi. » (René Lévesque)

« La première page de la vraie histoire du Québec vient de se terminer. Dorénavant, il fera partie de la courte liste des libérateurs de peuple. » (Félix Leclerc)