Guérir son enfant intérieur
de Moussa Nabati

critiqué par Paquerette01, le 4 août 2009
(Chambly - 54 ans)


La note:  étoiles
Bel ouvrage de vulgarisation
Tout être humain abrite en lui, telle une poupée russe, deux personnes, deux désirs, deux Moi. l'un adulte et l'antre enfantin. Le premier, soumis au principe de réalité, est capable de se comporter, au travail ou en amour, de façon lucide. Le second, en revanche, faute de réflexion et de recul, emporté par une émotionalité débordante, oscille entre la dramatisation anxieuse et l'excitation euphorique.

C'est en réalité l'enfant intérieur qui guide les pas de l'adulte. Il se conduit en ange gardien lorsque le sujet a pu vivre son enfance, aimé et sécurisé, dans la gratuité du désir. Mais il risque de se conduire en persécuteur, plaçant répétitivement l'adulte dans un contexte d'échec et de dépendance affective, s'il a été victime de maltraitances ou a dû assister en toute impuissance à la souffrance de ses parents. Ainsi, une enfance non vécue, avortée, blanche, se transforme en fantôme, hantant le sujet et l'empêchant d'être lui-même, confiant dans sa bonté et ses capacités.

Moussa Nabati montre, à travers de nombreux témoignages, que ce n'est jamais vraiment l'adulte qui souffre, mais le petit garçon ou la petite fille en lui, sous l'emprise du fantôme. Dès lors, pour se libérer du passé et trouver son équilibre, nul besoin de recourir à des solutions extérieures, aux conseils et recettes pratiques, à la consommation additive, aux antidépresseurs et anxiolytiques. Le projet existentiel le plus précieux de chacun devrait consister à retrouver son enfant intérieur, à l'écouter et à faire la paix avec lui pour le guérir.

Ce titre vulgarise parfaitement bien le but et le chemin emprunté pour guérir de ses blessures d'enfance grâce à la psychanalyse.
On peut alors considérer des risques potentiels pour les personnes vulnérables. 2 étoiles

L’auteur développe l’idée que chaque adulte porte en lui un “enfant intérieur”, blessé ou insécurisé, qui influence ses comportements, ses émotions et ses difficultés relationnelles. La guérison passe par la reconnaissance, l’écoute et la réparation symbolique de cet enfant .Le livre s’appuie sur une lecture psychanalytique, inspirée de Winnicott, Ferenczi et de la notion de “faux self”.

L'ouvrage rédigé dans un langage accessible, empathique, qui parle à un large public, dans le classique du marketing du développement personnel. Une métaphore simple et intuitive, qui permet de réfléchir à son histoire personnelle. Des exemples cliniques qui donnent un sentiment de proximité et de compréhension.

Mais ce sont des concepts flous ou trop métaphoriques. L’ “enfant intérieur” est présenté comme une entité quasi autonome, ce qui peut prêter à confusion. Le modèle manque de définitions rigoureuses. Il n’y a pas de fondement scientifique, peu de références à des études empiriques. Une approche très psychanalytique, ce qui alerte, et parfois datée. Des affirmations générales présentées comme universelles.

Une tendance à la simplification excessive, ramenant la majorité des difficultés psychologiques à l’enfance avec une causalité “blessure → symptôme adulte”.

Les témoignages cliniques perçus comme illustratifs plutôt que démonstratifs, et ne font pas une étude scientifique en terme de validation d’une théorie.

Cet ouvrage s’inscrit dans la vague sur ce concept d’enfant intérieur, le développement personnel étant juteux ; après Nabati (et même avant lui avec John Bradshaw), l’édition de développement personnel a largement exploité ce thème. On trouve plusieurs approches différentes, mais un même ressort marketing : approche spirituelle / méditative (Prendre soin de l’enfant intérieur — Thich Nhat Hanh : Vision bouddhiste, non psychanalytique, centrée sur la pleine conscience et la compassion), approche psychologique simplifiée (Les 5 blessures qui empêchent d’être soi-même — Lise Bourbeau : Modèle explicatif unique, très populaire mais peu étayé), approche thérapeutique “parts de soi” (Lucia Capacchione, Charles Whitfield : Exercices d’écriture, visualisation, dialogues internes), approche psychanalytique vulgarisée (John Bradshaw — Homecoming : un des pionniers du concept dans les années 1980).
Ces ouvrages jouent d’un concept émotionnel fort, une promesse de transformation personnelle dans un ouvrage d’accompagnement ayant une structure accessible et répétitive, une forte dimension marketing.

On peut alors considérer des risques potentiels pour les personnes vulnérables. Il ne s’agit pas de dire que ces livres sont dangereux en soi, mais qu’ils peuvent poser problème dans certains contextes, notamment pour des personnes fragilisées ou ayant des difficultés à évaluer la pertinence d’un discours thérapeutique.
Il y a confusion entre métaphore et réalité psychique. Certaines personnes peuvent prendre au pied de la lettre : parler à son enfant intérieur”, “le bercer”, “le consoler”, pouvant alors renforcer des mécanismes de dissociation, une identification excessive à une “part enfant”, une vision de soi figée dans la blessure. Les exercices peuvent engendrer dans certains cas des réactivations émotionnelles sans cadre, par ces exercices introspectifs susceptibles de réveiller des souvenirs douloureux, provoquer de l’angoisse, accentuer la rumination. Sans accompagnement professionnel, cela peut être déstabilisant, faut-il qu'un professionnel y porte crédit, ou alors au risque d'un professionnel mal intentionné visant la déstabilisation du patient.
Il y a une simplification abusive des causes de la souffrance. L’idée que “tout vient de l’enfance” peut culpabiliser inutilement les parents, détourner l’attention d’autres facteurs (sociaux, économiques, relationnels), enfermer la personne dans une lecture unique de ses difficultés.
On peut même imaginer un risque de dépendance à des recettes simplistes car ces livres promettent souvent une clé unique, une guérison accessible à tous, une explication totale.
Pour une personne vulnérable, cela peut créer de faux espoirs, un sentiment d’échec si cela ne fonctionne pas, une dépendance à des pratiques non adaptées.
Guérir son enfant intérieur est un ouvrage emblématique du développement personnel :
accessible, séduisant, mais théoriquement fragile.

Ces livres peuvent être utiles comme outils de réflexion, mais ils doivent être lus avec discernement, surtout par des personnes vulnérables, car ils reposent souvent sur des modèles non validés scientifiquement, parfois simplificateurs, et peuvent réactiver des émotions sans offrir un cadre thérapeutique sécurisé.

Burney - - 50 ans - 14 décembre 2025