Des fantômes dans la voix : Une hypothèse neuropsychanalytique sur la structure de l'inconscient
de Ariane Bazan

critiqué par Dirlandaise, le 25 juin 2009
(Québec - 68 ans)


La note:  étoiles
Quand nos fantômes se manifestent...
Livre d’une complexité certaine mais combien enrichissant et passionnant. Ariane Bazan est psychanalyste et détient un doctorat en biologie. Elle traite dans cet ouvrage de la façon dont l’inconscient se manifeste au niveau du langage que ce soit dans les lapsus et ce genre de symptômes. Attention, ce n’est pas un ouvrage de vulgarisation. Il faut avoir lu sur la psychanalyse avant afin de bien assimiler tout le contenu du propos. Mais quelle lecture fascinante ! J’y ai appris plein de choses sur la structure de l’inconscient et sur la façon dont notre cerveau décode, analyse et traite les différents stimuli visuels et surtout linguistiques.

Le cerveau est un outil d’une merveilleuse complexité. L’être humain bénéficie du cortex préfrontal contrairement aux animaux qui ne le possèdent pas. Par le fait, l’humain peut décoder un langage beaucoup plus évolué, rempli de symboles, de métaphores et a une capacité de désambiguïsation de la chaîne linguistique qui frappe ses oreilles tout à fait étonnante. Ce sont des activités que nous accomplissons tous les jours et dont nous ne sommes pas conscients mais en prendre conscience en lisant ce livre donne une image tout à fait nouvelle et fascinante du langage et de la façon dont l’humain arrive à le comprendre et l’interpréter d’une façon satisfaisante.

L’auteure commence par expliquer la différence entre l’affect et le signifiant. Elle poursuit en décrivant les différents matériaux de l’appareil psychique et là intervient sa formation de biologiste. Suit un chapitre sur la structure symbolique du langage et un autre sur la dynamique de la désambiguïsation. Elle explique ensuite ce que sont les processus primaire et secondaire dans le traitement du langage. En gros, le processus primaire identifie l’objet et le processus secondaire situe l’objet dans son contexte spatial. Le processus primaire est aussi fortement inhibé par le processus secondaire ou « moi Freudien ». Enfin, le but de tout ce beau discours est de tenter d’expliquer pourquoi, dans le langage courant, nous émettons des sons ou des mots tout à fait étrangers à notre discours habituel. Ce sont les fantômes dont traite cet ouvrage, ces manifestations subites de l’inconscient qui nous laissent entrevoir une partie de nous-même et de notre passé enfouis au plus profond de notre structure mentale. Ces manifestations échappent donc à l’inhibition dont elles sont habituellement l’objet et remontent à la surface pour se manifester en différents symptômes. Mais avant que cela s’accomplisse, un processus extrêmement complexe s’est mis en branle et c’est ce qu’Ariane Bazan explique en détail dans ce livre qui intéressa certainement tous ceux qui se passionnent le moindrement pour la psychanalyse et la linguistique. En fait, comme l’écrit Bazan, le livre est à situer dans le domaine de la neuropsychanalyse, une science relativement nouvelle.

Quoique fascinante, c’est une lecture ardue, difficile et j’ai dû souvent relire des chapitres entiers car je n’avais pas bien saisi tout le propos. Ce n’est pas un livre qui se lit mais qui s’étudie plutôt. Mais l’effort en vaut la peine car j’y ai fait d’étonnantes découvertes.

« Nous portons dans nos voix des fantômes que nous transportons, le plus souvent à notre insu, de génération en génération et qui nous parlent de notre histoire, de notre descendance et de notre identité. La plupart du temps ces fantômes agissent sous couvert. Ils refont surface dans nos rêves, nos lapsus, nos anxiétés et dans nos symptômes. »