Le bordel des muses, tome 2 : Mimi & Henri
de Gradimir Smuđa

critiqué par Dirlandaise, le 15 juin 2009
(Québec - 68 ans)


La note:  étoiles
Quand les feuilles d'automne montrent le chemin...
Tout débute à Montmartre au printemps alors que les marronniers sont en fleur. La vie de ce quartier parisien suit son cours et comme tous les printemps, les impressionnistes organisent une exposition chez le photographe Nadar. On retrouve tous les noms célèbres de l’époque soit Lautrec, Gauguin, Degas, Seurat, Renoir, Monet, Cézanne enfin tous sont là. À la fermeture de l’exposition, Lautrec, Van Gogh et Gauguin s’attablent au « Lapin agile » et chacun se livre et raconte une partie de son enfance et de sa vie d’artiste. Sur le chemin de son logis, Lautrec sauve une jeune fille des mains d’un brigand qui la malmenait. Il la ramène chez lui et constate qu’elle est d’une beauté à couper le souffle. Il en tombe éperdument amoureux au point de la présenter à ses parents et de les informer de ses projets de mariage avec Mimi. Les parents de Lautrec sont révoltés car la jeune fille est pauvre et de petite vertu. Mais Lautrec est passionnément épris, une passion qui lui enlèvera toute raison et balayera sa vie comme un vent d’automne fait s’envoler les feuilles mortes. Les deux amants ne sont cependant pas au bout de leur peine et leur quête de bonheur sera ardue.

Gradimir Nadja nous entraîne encore une fois dans un tourbillon de folie, d’humour grinçant, de dérision, de moqueries mais son récit est aussi empreint de mélancolie et de tristesse. Son histoire se veut légère et amusante mais il n’en demeure pas moins qu’elle est tragique et m’a laissée un goût un peu amer. Mais, je n’ai pu m’empêcher de sourire et aussi de rire devant tant de verve narrative. Le ton primesautier et moqueur de Nadja est tout simplement irrésistible. On rencontre encore une fois toute la faune du Montmartre de l’époque soit La Goulue, Aristide Bruant, le photographe Nadar, le capitaine Dreyfus et j’en passe. Ah oui, j’oubliais Mata Hari et l’écrivain russe Léon Tolstoï… Mais cette fois, pour ce tome, l’histoire est plus cohérente, plus linéaire. C’est une belle histoire d’amour qui se termine… Non je ne le dirai pas car il faut la lire pour en découvrir le dénouement.

Pour les illustrations, elles sont tout aussi magnifiques que dans le premier tome et les couleurs sont parfois sombres mais aussi souvent vives et éclatantes. Les dessins sont extraordinaires et Mimi est incroyablement belle et séduisante. Toutes ces feuilles mortes de marronniers qui virevoltent autour de la jeune femme, c’est d’une poésie sublime et émouvante. Certaines planches sont belles à couper le souffle.

Vraiment du grand art que cette bande dessinée. Un plaisir pour les yeux et pour le cœur.

« Seurat, il est plus que temps pour vous de mettre un point final à votre opus ! »

« Je sautai du pont alors que je ne savais pas nager, convaincu que la merde remonte toujours à la surface. Je fus le seul rescapé. »

« Je suis trop pauvre pour qu’il me garde… — Elle est trop belle pour rester avec moi. »
le tourbillon de la vie 7 étoiles

Reléguée au rang de "lecture en attente", j'avais remis toujours au lendemain, la lecture de cet album (peut-être à cause du scénario assez absent du tome précédent). Et là Ô surprise, Gradimir Smudja fait l'effort d'élaborer un scénario digne de ce nom, avec cette amourette de Toulouse Lautrec et Mimi (ah "Mimi, mon petit bout de chou de rien du tout, Mimi! est -ce que tu m'aimes..." comme le chantait Maurice Chevalier !). Comme dans un tourbillon de la vie, on rencontre le Grand Tolstoï qui reprendra la fin tragique de Mimi dans un de ses plus beaux romans, "Anna Karénine". Oui, car le génie de Smudja est de faire rencontrer les principaux artistes de la fin du 19ème siècle au même moment, au même endroit, à l'image de l'exposition chez Nadar, page 8 et 9. Smudja est donc à la bd, ce que Sacha Guitry était au cinéma avec des films commme "Si Versailles m'était conté". Avec notamment des running gags présents tout au long des deux albums (Eiffel, Le capitaine Dreyfus). L'humour, en outre, n'est pas absent de cet album : la sérénade page 37 et l'artiste qui prend le dessus sur l'amant, toujours page 37 ! En outre, et cela m'a fait plaisir car j'avais adoré le fabuleux "Vincent et Van Gogh", il entremêle dans un formidable chassé-croisé son premier album avec celui-ci. Je ne vais pas revenir sur le fabuleux dessin de Gradminir Smudja (allez jeter un coup d'oeil page 7 ou encore page 27, par exemple, d'ailleurs repris sur la couverure) ni sur les superbes couleurs, pour vous démontrer le talent ce cet auteur complet. Des mises en pages audacieuses (la scène du miroir, page 46) viennent en plus pimenter l'histoire. Si vous aimez la peinture (les impressionnistes), le cinéma (avec des scènes dignes du film "French Cancan" de Renoir), et la bd, lisez le "Bordel des muses", à la fois drôle, tendre et instructif.

Hervé28 - Chartres - 54 ans - 24 septembre 2011