L'auteur a réuni des textes écrits sur une vingtaine d'années, depuis l'annonce de sa séropositivité (« farce saumâtre », « obsédante éclaboussure ») et de l'agonie annoncée (« la chair à son coeur babillant ses ruses mortelles », « la conscience qui s'atomise »), du sida effectif avec son cortège d'amaigrissement et de « détestation de soi », de « prise en dégoût de son propre reflet », de « l'effondrement au brasier froid » (« J'écoute le mourir / marcher en moi / J'écoute le sida / passer en moi »), jusqu'à l'apparition des nouveaux traitements qui autorisent à se dire que « souffrir n'est plus / cette terre définitive », puis, sans qu'on puisse parler de guérison, retrouver « ce peu de toi dans la clarté », même si dans un long texte l'auteur renonce à son grand amour : « Notre adieu est sans lieu ni date / Tout est dans l'ordre et la douleur / qui sont un. » Enfin, découvrir même avec la résurrection finale que « décembre / m'habille d'étés flamboyants » et qu'on peut estimer qu'on est « heureux de n'être rien qu'heureux »!
Je pense après la lecture de ce livre que seule la poésie est capable de rendre compte avec une telle acuité de cette chronique d'une mort annoncée et d'une résurrection au simple « heureux fait d'être. » L'auteur peut alors se prévaloir de pouvoir de nouveau se promener « sous la main lente des nuages », ou encore de « voler / un peu de son parfum à Dieu », de faire un « retour à mon corps par là », de retrouver le goût « du désir en son incendie » dans une « reprise du / souffle » (derniers mots du livre). Oui, un beau livre qui ouvre un cheminement à tous ceux qui ont eu à subir une maladie et à la sublimer : qui a dit que les mots n'avaient plus de poids, que la poésie d'aujourd'hui était abstraite ? Merci, André, et je suis bien d'accord avec toi quand tu nous dis : « Car écrire est se liquéfier. »
Cyclo - Bordeaux - 79 ans - 20 juin 2013 |