Le peuple élu
de Bernard Malamud

critiqué par Débézed, le 20 avril 2009
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
« L’homme fort fait ce qu’il veut. L’homme faible écoute. »
Un vieux chef Indien, dans une vallée au fond de l’Idaho, qui sent venir le moment prochain de rejoindre ses ancêtres, choisit un Juif égaré dans ces confins de l’Amérique pour diriger son peuple sommé par les Blancs de quitter sa vallée pour une nouvelle réserve dont les indiens ne connaissent absolument rien. Ce Juif, adopté par ces Indiens, pacifiste convaincu, met tout en œuvre pour éviter cette déportation sans recourir à la violence et emmène sa tribu dans un nouvel exode vers le Canada plus hospitalier pour eux. Alors, s’engage une poursuite entre ce peuple qui ne veut que vivre libre et en paix, et les soldats américains, reconstituant ainsi la fuite du peuple d’Israël devant les troupes de Pharaon.

Manifestement Malamud n’a pas cherché à nous faire revivre une énième version du martyr du peuple indien par les Américains, même s’il n’hésite pas à mettre le doigt là où ça fait mal et à stigmatiser la violence et la bêtise des pionniers. En bon Juif qu’il est, il n’a pas choisi par hasard, dans sa version originale, le titre « Le Peuple », traduit par la traductrice en « Le Peuple élu » pour bien marquer qu’il ne s’agit pas de n’importe quel peuple mais du « peuple », car pour un Juif le peuple ne peut être que celui d’Israël. Donc dans ce court roman, Malamud nous propose avant tout une parabole du sort subi par le peuple juif à travers tous les exodes qu’il a connu au cours des siècles et que Marek Halter a si bien écrits dans « La mémoire d’Abraham ». Et, cette ultime fuite sonne un peu comme une parodie de la grande déportation de la shoah. « Les Indiens se mirent à gémir dès que les wagons de marchandises s’ébranlèrent.» Cependant, il est difficile de percer les intentions réelles de Malamud car ce livre est resté inachevé, la mort ayant surpris son auteur avant qu’il puisse mettre un point final à cette dernière entreprise.

Ce roman prend aussi la forme d'une démonstration de la résignation forcée du faible devant le fort et montre toute l’impuissance des bons sentiments et des belles manières devant le réalisme dans son expression la plus cruelle. « L’homme fort fait ce qu’il veut. L’homme faible écoute. » C’est peut-être aussi une tentative de réponse à tous ceux qui ont stigmatisé la résignation des Juifs devant la barbarie nazie. De toute façon, le droit restera toujours dans le camp de celui qui vaincra et qui écrira l’histoire comme bon lui semble. Mais est-ce une raison pour baisser les bras et abandonner notre monde à ceux qui ont le moins de scrupules ? La réponse est peut-être dans les notes que Bernard Malamud a laissées pour la rédaction des chapitres que la mort l’a empêchée de rédiger.