Le ministère de la douleur
de Dubravka Ugrešić

critiqué par Aaro-Benjamin G., le 26 mars 2009
(Montréal - 54 ans)


La note:  étoiles
Yougonostalgie
Quand Tania, une jeune professeur de Zagreb entreprend de donner un cours de Serbo-Croate à l’Université d’Amsterdam, elle attire dans sa classe des étudiants réfugiés, lesquels ont tous besoin d’un visa. Ces étudiants et leurs histoires deviennent son monde. Personne d’autre ne pourrait les comprendre. Même pas les Hollandais dont la fameuse tolérance serait qu’un masque pour leur indifférence.

En ressassant les souvenirs d’un pays qui n’existe plus, elle ouvre les plaies de la guerre. Car en dépit de cet exil, leurs racines sont toujours ancrées là-bas en Yougoslavie. Les conversations empreintes de nostalgie font place à la dure réalité de l’après-conflit. Le fils d’un criminel de guerre, subissant son procès à La Haye, choisira de s’enlever la vie. Igor, un étudiant sardonique, forcera son institutrice aux méthodes non conventionnelles, à confronter ses illusions sur la langue, la mémoire et la communauté.

Le roman prend la forme d’une autobiographie croisée avec un essai. Le style littéraire d’Ugresic a quelque chose d’analytique. Sa narration s’éloigne rarement du thème central, elle ne se permet presque aucune frivolité. L’éditeur et la critique ont fait grand état de ce titre qui fait référence à un sex shop où les étudiants fabriquent des jouets S&M, mais cela n’occupe que quelques lignes.

Les partisans de littérature cérébrale vont trouver leur compte dans cette prose élégante, qui décortique admirablement la question de la perte des repères et la recherche de son identité.