Les cheveaux de Saint-Marc
de Jean Diwo

critiqué par Persée, le 1 décembre 2001
(La Louvière - 73 ans)


La note:  étoiles
Sandwich à l'éléphant
On se souviendra de cette blague idiote : comment confectionner un sandwich à l'éléphant ? Vous prenez un éléphant, vous lui collez une tartine beurrée sur le ventre et une autre sur le dos. Eh bien, ce roman-ci, c'est un peu la même chose !
Vous prenez un beau chevalier du XIIIème, vous le faites triompher dans l'un ou l'autre tournoi (si le lecteur n'a pas lu "Guillaume le Maréchal" de Georges Duby, il trouvera ça original) et vous lui faites courir une petite aventure courtoise, vite interrompue car . (C'est la première tartine)
… Vous envoyez le chevalier à la croisade, la IVème en l'occurrence. Là, vous suivez pas à pas la chronique de Villehardouin (un rapport mi-diplomatique, mi-militaire donc, froid et minimaliste, du genre à utiliser "frappe chirurgicale" pour "bombardement" et "perte de personnel" pour "mort d'homme") en l'adaptant un peu à la langue de notre temps. Vous y scotchez ledit chevalier. Vous y consacrez des pages et des pages, bref, l'essentiel du roman. (Voilà pour l'éléphant)
Quand vous finissez, à force de suivre le chroniqueur de trop près, par tamponner ses feux-stop, vous enchaînez avec l'odyssée, à vrai dire peu édifiante, des chevaux de bronze pillés à Constantinople pour la plus grande gloire de Venise. Tant qu'à faire, on enlève une princesse, on l'épouse en chemin. Elle meurt en couche, ce qui permet à notre héros de s'en aller récupérer dare-dare son premier amour (on se remettait vite en selle à cette époque-là !). Clap de la tartine finale.
La IVème croisade, emmenée par notre Baudouin national, comte de Flandre et de Hainaut, qui finit empereur de Constantinople, ne manque pourtant pas d'intérêt. Elle suscite bien des questions. Elle s'avère riche en ressources dramatiques et en ambiguïtés. Elle peut susciter l'enthousiasme, la répulsion, l'indignation, l'incompréhension, l'horreur, la réflexion, voire à certains moments, une sorte de compassion.
L'auteur n'exploite rien de tout cela, si bien qu'on le suit en renâclant dans la plus grande indifférence, sans prendre fait et cause pour son héros, ses exploits ou ses amours. Pour le "suspense", on repassera. On trouvera tout de même un personnage attachant : Germain. Tant pis si ce n'est qu'un cheval.
A en croire le 4ème de couverture, Jean Diwo est reconnu comme un des maîtres du roman historique. Sur ce site, vous pouvez lire une critique enthousiaste des "Violons du Roi" par Caliméro. L'auteur a donc dû mieux faire. Il reste qu'en achetant "Les chevaux de Saint-marc", j'ai la nette impression d'avoir perdu le tiercé.
La langue comme la lance perce... 6 étoiles

Diwo ne semble manifestement pas en odeur de sainteté sur ce site. Ferait-il un genre un peu trop commercial, plein de marketing et pas assez empli de ces choses qui font le bon roman historique ? Son violon grince, ses cathédrales ne laissent passer que peu de lumière et sa chevalerie ici présente ne garde pas le pied à l’étrier. Et pourtant, il avait un sujet en or, avec la quatrième croisade et la prise de Constantinople par Baudouin ! Non mais, c’est vrai quoi ! Mais sans doute faut-il la magie d'un Jean-Luc Wart pour transformer les sons en harmonie, les pierres en monument
et les chevaliers en héros.

Pendragon - Liernu - 53 ans - 5 mars 2003


Très convaincant!! 3 étoiles

Je suis d'accord avec Bolcho, ca valait la peine que Persée ait des ennuis de digestion avec ce roman (que je n'ai pas lu non plus) car le résultat est détonnant. Il nous sort les grandes lignes, piliers sur lesquels l'auteur basait sans doute en confiance l'intérêt de son roman et d'une pichenette, paf, tout est dérisoire. L'ironie est de bon ton et le tout un vrai plaisir!

Bluewitch - Charleroi - 44 ans - 2 décembre 2001


Les mauvais livres qui font les bonnes critiques 3 étoiles

Je n'ai rien à dire sur ce livre, que je n'ai pas lu et ne lirai pas, mais je tiens à remercier Persée pour cette critique jubilatoire. Un petit morceau d'anthologie. Je l'imagine d'ailleurs, s'ennuyant déjà à la page 28, rageant à la page 132 et perdant tout doucement le fil de l'histoire pour ne plus s'intéresser qu'à l'angle de sa critique future et vengeresse.
Et tout ce plaisir que tu ne t'es pas donné en lisant, tu nous le donnes en écrivant. La vie est belle quand même...

Bolcho - Bruxelles - 75 ans - 2 décembre 2001